Le bore-out ou le syndrome de l'ennui au travail

01 déc. 2017

4min

Le bore-out ou le syndrome de l'ennui au travail
auteur.e
Elsa Andron

Psychologue du travail et psychologue clinicienne

« Quelle que soit l’importance de notre travail, son sens lui vient de nos valeurs, de ce qui gouverne en profondeur notre cœur et notre esprit. » - Alex Pattakos, auteur.

Vous avez forcément entendu parler du burn-out, mais connaissez-vous le bore-out ? Ce syndrome de l’ennui au travail toucherait 32% des salariés européens. C’est beaucoup, mais no panic, ce n’est pas forcément grave, durable et immuable. On fait le point sur ses causes, ses conséquences et comment y remédier.

Qu’est-ce que le bore-out ?

Le bore-out a été conceptualisé pour la première fois en 2007 par Rothlin et Werer, deux consultants suisses qui révèlent les causes et les conséquences de ce syndrome encore socialement tabou. Ils caractérisent le bore-out par un déséquilibre entre le temps de travail et le volume de tâches à réaliser mais pas uniquement. En effet, d’autres auteurs précisent que ce syndrome d’épuisement professionnel par ennui peut également être causé par :

  • Le manque de sens ressenti par le salarié dans son travail
  • Le manque de stimulation intellectuelle
  • Le peu de perspectives d’évolution

Contrairement donc au burn-out c’est ici l’absence ou le manque de travail et non son « trop plein » qui a un effet délétère sur le bien-être psychologique du salarié. En effet, bien qu’il y ait des différences individuelles en terme de tolérance à l’ennui, l’apparition du sentiment de bore-out est directement lié aux tâches de travail trop peu nombreuses, rébarbatives, ou encore manquant de sens et ce sur une période de temps importante.

Le bore-out peut-être par exemple le lot des salariés mis « au placard » où, afin de pousser celui-ci vers la sortie il lui est alors donné de moins en moins de tâches à réaliser ou de tâches significatives. Le salarié ainsi dépossédé de son travail est alors poussé à la démission. Mais les cas de syndrome d’épuisement professionnel par l’ennui se retrouvent dans bien d’autres situations et ne semblent pas circonscrits à un domaine d’activité en particulier.

Comment savoir si je souffre de bore-out ?

Bien que les causes du bore-out soient très différentes de celles du burn-out, ses conséquences sont en revanche assez similaires. Ainsi si vous êtes touché par le phénomène, vous pourriez ressentir ces différents signes :

  • Baisse de l’estime de soi
  • Sentiment de honte et de culpabilité
  • Stratégies d’évitement en « tuant le temps »
  • Désengagement au travail
  • Perturbation de l’identité sociale
  • Sentiment d’inutilité sociale
  • Dépression

Au delà de ces symptômes parfois catastrophiques sur le bien-être psychologique du salarié, le bore-out engendre également un prix à payer pour l’entreprise : salarié désengagé, absentéisme, turn-over plus important, arrêt de travail et démission.

Cependant, ne perdez pas de vue que le bore-out s’inscrit dans le temps. En effet, il est peu probable de souffrir de ce syndrome si l’ennui ressenti au travail reste ponctuel et marque une baisse d’activité temporaire.

Bore-out : tous concernés ?

Il y a peu d’études qui ont été réalisées sur le sujet et il est donc difficile d’avoir une idée exacte du nombre de salariés touchés mais également d’un type de profil “à risque”. Toutefois, une étude réalisée en 2008 par Steptone, portant sur 11 238 personnes venant de sept pays européens indique que « l’ennui au travail toucherait 32% des salariés européens ». Une autre étude réalisée en France en 2013 par la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES), montre que les salariés ayant répondu éprouver en permanence de l’ennui dans leur travail n’étaient en revanche que de 2%. Ces différences de résultats intriguent mais nous pousse à nous interroger sur l’ampleur réelle du phénomène.

Les secteurs les plus touchés seraient les secteurs fonctionnant sur des périodes de forte charge de travail puis des périodes creuses d’activité comme les emplois saisonniers.

Enfin, certaines populations seraient plus à risque et c’est notamment le cas des jeunes actifs. Cela pourrait s’expliquer par le décalage souvent observé entre les attentes qu’ils ont concernant leur premier emploi et les valeurs qu’ils portent et la réalité de celui-ci. Ce contraste pourrait mener à un état de bore-out surtout s’ils estiment être trop peu stimulés.

Je crois souffrir de bore-out : que faire ?

Les pistes de prévention en sont encore à leur balbutiement car ce syndrome est encore trop souvent perçu comme un « trouble de feignants » et fait peu l’objet de sensibilisation et de prévention de la part des entreprises.

Si vous pensez souffrir réellement de bore-out il est important de sortir du silence en en parlant autour de vous et en vous posant les questions suivantes :

  • Depuis quand cela dure-t-il ?
  • Quelles en sont les causes ?
  • Qu’est ce que je peux mettre en place pour provoquer un changement positif sur la situation ?

Une des solutions peut être de solliciter le service des ressources humaines de votre entreprise pour voir ensemble comment changer la situation. Des solutions de mobilité en entreprise peuvent par exemple être une piste de changement positif. Un changement de poste, d’entreprise, voir de projet professionnel peuvent être aussi des solutions à envisager pour trouver un emploi qui répond mieux à vos compétences, vos valeurs et vos motivations profondes.

La question de l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle est également importante à se poser. La solution peut alors être de mener des activités, dans le cadre de votre vie privée, qui répondraient à vos motivations profondes et viendraient contrer ce sentiment de perte d’identité et d’inutilité sociale.

Mais pourquoi restons-nous dans un travail qui nous ennuie ?

Le contexte de crise sociale et économique actuel peut expliquer que les Hommes au travail endurent, sans démissionner, une situation d’ennui permanent dans leur vie professionnelle. La peur de ne pas retrouver d’emploi serait donc un facteur favorisant du bore-out. Un autre facteur favorisant est la peur du jugement social : dire en société que l’on s’ennuie au travail peut être impossible face à un entourage social valorisant fortement la réussite professionnelle. Cette conjonction permet d’expliquer que le syndrome d’épuisement professionnel (burn-out) puisse donc paraître plus politiquement correct que le bore-out, mais également que ce syndrome soit encore trop flou.

Le bore-out est un syndrome pointant la question du sens donné au travail et l’importance d’être en accord avec nos motivations intrinsèques profondes qui nous permettent de nous réaliser. Ainsi, il sera toujours temps de vous demander : qu’est-ce qui fait sens pour vous ?

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Photos by Alejandro Escamilla

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