Le made in France en toute transparence

29 mars 2017

5min

Le made in France en toute transparence
auteur.e
Sophie

Journaliste - rédactrice

« La mode est pour la France ce que les mines d’or du Pérou sont pour l’Espagne » Jean-Baptiste Colbert, ministre du roi Louis XIV au XVIIe siècle

Le made in France est à la mode. On en parle beaucoup, dans tous les domaines. Le sujet s’invite même dans les débats politiques, c’est dire. Mais finalement que sait-on vraiment du made in France ? Consommer local, privilégier les productions tricolores, sauver les savoir-faire ancestraux : effet de mode ou vraie tendance de fond ?

Eléments de réponse avec Eugénie, responsable e-commerce chez Les Petits Frenchies et Agnès Etame-Yescot, commissaire du salon Made in France qui s’apprête à ouvrir ses portes à Paris.

1/ Le made in France c’est quoi ?

La règle veut que l’on appose la mention « made in France » sur un produit dont la dernière transformation a été effectuée dans l’Hexagone ou dont 45% de la valeur ajoutée a été réalisée en France. Pourtant dans la réalité, difficile de définir précisément ce qui se cache derrière ce terme. Agnès Etame-Yescot regrette l’absence de législation claire à ce sujet. « Le salon made in France, c’est justement l’occasion d’éclaircir les choses et de valoriser la vraie industrie textile française. Dans cette quête perpétuelle de transparence, de nouveaux labels tricolores ont d’ailleurs été crées comme le label Entreprise du Patrimoine Vivant, l’appellation Origine France Garantie et le label France Terre Textile. »

Car le made in France ce n’est pas juste un artisan dans son atelier. C’est aussi toute une industrie qui se bat pour continuer à produire en France malgré les délocalisations et la concurrence de la désormais controversée Fast Fashion. Controversée car la tendance semble s’être aujourd’hui inversée. Alors effet de mode ou vraie tendance de fond ?

2/ Tendance made in France

Pour Eugénie, la réponse est claire. Le made in France, ce n’est pas un effet de mode. C’est une vraie prise de conscience. « Tout est parti des marques qui ont fait le pari de produire en France. C’est elles qui ont amené le consommateur à s’interroger sur la provenance et la qualité des produits. »

Consommer sans se poser de questions, c’est fini. Les consommateurs, mieux informés, deviennent de plus en plus exigeants. » Agnès Etame-Yescot, commissaire du salon Made in France

Dans certains secteurs, comme la cosmétique, la provenance est d’ailleurs un vrai gage de qualité. Bien loin du côté moralisateur « acheter français c’est mieux », des marques comme Horace, Dawey, Big Moustache, LOXWOOD ou Sabé Masson revendiquent simplement une traçabilité et des savoir-faire uniques.

@ LOXWOOD Le cabas parisien

Consommer autrement. S’affranchir des grandes marques qui produisent très loin et dans de mauvaises conditions. C’est l’envie de beaucoup de consommateurs aujourd’hui. Certaines tragédies comme celle du Rana Plaza ont d’ailleurs profondément bouleversé leur rapport à la mode. Preuve en est, la Fast Fashion, autrefois très fière de ses productions made in « ailleurs », repense sa stratégie. Car c’est un fait, les consommateurs regardent les étiquettes autant que le prix. Le prix, justement semble faire de moins en moins débat. D’autant plus que « plus on sera nombreux à produire et à acheter en France, moins ce sera cher car plus il y aura de volume », nous explique Eugénie. De quoi être optimiste pour la suite.

Favoriser la production nationale donc. Favoriser la production locale aussi. Selon le salon made in France, « la mode est un territoire ». Le made in « terroir » serait-il en passe de devenir le nouveau made in France ?

3/ Made in Local

En gastronomie, on appelle ça être locavore. C’est à dire privilégier l’achat de produits alimentaires cultivés localement, dans un rayon de 100 à 250 kilomètres maximum autour de son domicile. Valoriser les productions locales pour favoriser les circuits courts et la croissance des PME artisanales, la mode s’y met aussi.

La marque Sensee] revendique par exemple des lunettes 100% made in Jura. Pour Balzac Paris, « tout commence à Paris ». C’est autour de cette citation de Nancy Spain que la marque a imaginé l’une de ses dernières collections dans ses bureaux parisiens. Plus qu’une revendication, c’est « un état d’esprit, une attitude ». A l’image de la collection Surf in the Cities, de la marque Cuisse de Grenouille, qui réinvente le lifestyle urbain en mettant à l’honneur des villes emblématiques.

@ Cuisse de Grenouille

Produire sur place, c’est aussi l’occasion de pouvoir montrer son travail. A Paris, de nombreux ateliers autrefois dissimulés derrière une porte cochère ou cachés dans une arrière-boutique réapparaissent. Charlie Watch s’est par exemple associé avec un atelier d’horlogerie parisien ayant plus de vingt and d’expérience. Quant à la marque Nailmatic, elle s’amuse de pouvoir prendre un café avec ses fournisseurs sans faire flamber l’empreinte carbone. Enfin, la marque de maroquinerie Loxwood qui revendique son identité française et parisienne depuis 1996, sélectionne ses cuirs avec soin et réalise tous ses sac dans son bureau de style parisien.

Grâce à ces nouveaux créateurs engagés, le « made in Paris » renait. Un label « Fabriqué à Paris » sera même créé en 2017 par le Conseil de Paris. Mettre en valeur la production artisanale évidemment mais valoriser l’humain avant tout. Car ne l’oublions pas, la mode c’est d’abord le travail de petites mains passionnées. D’artisans garants de savoir-faire oubliés. Et si on parlait finalement de « made by » plutôt que de « made in » ?

4/ Made by

La mission des Petits Frenchies, c’est justement de parler des créateurs autant que de leurs créations. Pour Agnès Etame-Yescot, l’ambition est la même. « L’enjeu du salon, c’est de mettre à l’honneur ceux qui sont habituellement dans l’ombre, de réenchanter ces métiers méconnus. »

Dans un monde où le digital est omniprésent, il est grand temps de tout réhumaniser. Et ça les marques l’ont bien compris. Le Slip Français par exemple s’attache à mettre en vedette ses produits autant que les ouvrières passionnées qui les confectionnent. La marque Bleu de Chauffe, découverte sur le site l’Exception, revendique son côté 100% artisanal en inscrivant sur chacun de ses modèles le nom de l’artisan qui l’a réalisé et la date de sa création, faisant de chaque produit une pièce unique.

@Les Petits Frenchies

« En achetant le produit, on a vraiment l’impression de faire parti de l’histoire. De participer à l’aventure de la marque », Eugénie, responsable e-commerce chez Les Petits Frenchies

Pour Eugénie, c’est primordial aujourd’hui de savoir où le produit est fabriqué et surtout par qui. « Ça rend l’expérience d’achat cool et sympa. Ça humanise surtout. Le plus important c’est pas de savoir que la couturière s’appelle Colette ou Nicole, c’est de savoir qu’il y’a quelqu’un derrière le produit, des petites mains, de la passion, du travail. Quand tu achètes une robe chez H&M tu ne sais pas qui est derrière et ça c’est en train de faire toute la différence. »

5/ Et demain ?

Le défi pour les années à venir, c’est précisément de renouer avec les traditions qui ont fait rayonner la mode française aux quatre coins du monde tout en pariant sur l’innovation. Avec demain peut-être, votre tenue préférée «made by impression 3D».

Le made in France 4.0, c’est justement le thème phare du salon 2017. Pour Agnès Etame-Yescot, c’est même « l’avenir de l’industrie textile». Et certains ont d’ailleurs déjà commencé à imaginer le futur de ce secteur en plein renouveau. Comme Flaneurz qui a réussi à faire évoluer vos patins à roulettes d’enfance en un produit breveté que tout le monde rêve d’avoir aux pieds.I Le Chemiseur qui à force de recherches a trouvé l’algorithme pour des chemises 100% ajustées. Ou Nose qui a inventé la première technologie de recommandations de parfums pour une fragrance ultra-personnalisée.

Artisans, créateurs, startups innovantes illustrent, chacun à leur manière, les mutations positives que vit actuellement la mode française. Soutenir le made in France, c’est se soucier de la qualité et du mérite autant que de l’origine. C’est dépasser le faire-valoir marketing pour se concentrer sur la transmission de vrais savoir-faire. C’est promouvoir le made by autant que le made in, tout simplement.

Pour aller plus loin :

  • Salon Made in France, les 29 et 30 mars 2017 au Carreau du Temple, à Paris
  • Made in Paris, le livre qui dévoile tout ce qui se fabrique à Paris, de Christine Taconnet, Ed. Chêne, 2016
  • Made in Paris, film de Boris Sagal, 1966
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