L'énigme du chiffre 42 dans la culture geek

23 juil. 2017

5min

L'énigme du chiffre 42 dans la culture geek
auteur.e
Cécile Nadaï

Fondatrice de Dea Dia

Véritable symbole dans la culture geek, écrivains, scénaristes et autres auteurs aiment glisser le nombre 42 un peu partout, comme autant de clins d’oeil compréhensibles par quelques happy few. Mais d’où leur vient cette habitude étrange ?

Imaginez. Un peuple extraterrestre hyper-intelligent et pan-dimensionnel crée le plus puissant ordinateur de tous les temps baptisé Pensée Profonde. Il lui demande la réponse à la grande question sur la vie, l’univers et le reste. Après 7,5 millions d’années de réflexion, l’ordinateur leur donne enfin sa réponse, pour le moins mystérieuse : 42. Il précise : “J_’ai vérifié très soigneusement et c’est incontestablement la réponse exacte. Je crois que le problème, pour être tout à fait franc avec vous, est que vous n’avez jamais vraiment bien saisi la question _».

Cette histoire tirée de la saga de science-fiction Le guide du voyageur galactique de Douglas Adams paru en 1978 est le point de départ de ce culte… Mais pourquoi 42 et pas 51 ou 107 ? Qui était Douglas Adams ? Et avant tout, qu’est-ce que la culture geek ? Une chose est sûre, un petit point s’impose pour comprendre, non pas le sens de la vie (on se penchera sur cette question un autre jour, promis) mais le véritable (non-)sens du nombre 42…

Les débuts de la culture Geek

Elle est née dans les années 50-60 avec les débuts de l’informatique, des jeux vidéos et de la science fiction. À cette époque, cependant, il ne faisait pas bon être geek. Incompris (parce que trop intelligents ?) et souvent rejetés par leurs camarades, les geeks se réunissaient donc entre eux, fuyant le monde réel pour se réfugier dans un univers où il était question de jeux de rôle, d’informatique, de mondes virtuels et de créatures fantastiques, à la manière de la bande de copains de la série Stranger Things.

Stranger Things

Voilà pourquoi les geeks ont un langage propre, des codes de communication propres, des références communes et des blagues compris d’eux seuls… bref, tout ce qui, par définition, constitue une culture.

Quelques décennies plus tard, le développement des jeux vidéos, la démocratisation de l’informatique et l’avènement de l’ère digitale ont changé la donne et tous ces geeks moqués à leur époque sont aujourd’hui considérés comme des pionniers, voire même des génies. D’ailleurs être un geek en 2017, c’est plutôt cool. Les références cultes de la culture geek (Star Trek, Star Wars, Tolkien, Marvel…), sont unanimement respectés et envahissent toute la culture populaire. Cette culture regroupe donc tout ce qui passionne les geeks, à savoir l’informatique, la science fiction, les mondes virtuels en tout genre, le tout avec, si possible, une bonne dose d’humour.

@ User Studio

Quelques geeks célèbres : Tim Berners Lee, Sergey Brin, Steve Wozniak, Richard Matthew Stallman…

Douglas Adams, le geek ultime

Douglas Adams, l’auteur à l’origine du mythe du nombre 42, est né en 1952. Il était à la fois écrivain, informaticien, créateur de jeux vidéos et humoriste. Ceux qui l’ont connu le décrivent comme un être extrêmement gentil, totalement excentrique, particulièrement intelligent et irrésistiblement drôle. Un être à part qui percevait l’absurdité du monde avec humour et affection.

Douglas Adams ©DNA Press Photos

Le Guide du voyageur galactiqueparaît en 1978, en plein essor de la culture geek, sous la forme d’un feuilleton radiophonique humoristique. L’histoire commence lorsque le terrien Arthur Dent apprend que la Terre va être pulvérisée dans quelques minutes car elle est sur la trajectoire d’une voie express hyperspatiale. Il survit grâce à son meilleur ami, un extraterrestre autostoppeur. Ils atterrissent sur un vaisseau appelé coeur en or et aident le président de la galaxie à trouver la réponse à la grande question sur le vie, l’univers et le reste.

Le guide du voyageur galactique - Film 2005 (Garth Jennings)

De l’absurdité, de l’humour, de la science-fiction, de l’informatique : cette histoire avait tout pour plaire à la culture geek. Le succès est immédiat et fulgurant, à la grande surprise de son auteur lui-même. Dès 1981, Douglas Adams devient une légende qui a déjà son fan club. L’oeuvre sera par la suite déclinée sous de nombreuses formes : romans, pièces de théâtre, jeux vidéos, films, séries…

Les occurrences du nombre 42 dans la culture geek

Depuis, des références au nombre 42 se sont insinués dans de nombreuses oeuvres littéraires, télévisées ou cinématographiques :

  • 42 est le titre d’un épisode de la série télévisée Doctor Who, co-écrite avec Douglas Adams.
  • Si vous tapez « the answer to life the universe and everything » sur Google, il vous répondra 42.
  • Dans la série X-Files, l’appartement de Fox Mulder est au n°42.
  • 42 carrés composent le logo de Microsoft.
  • L’école 42 créée par Xavier Niel et Nicolas Sadirac.
  • 4 8 15 16 23 42 : les mystérieux nombres de la série Lost dont les épisodes duraient 42 minutes, parfois même 42 minutes et 42 secondes.
  • Dr House aurait choisi 42 comme numéro fétiche, d’après l’épisode 17 de la saison 2 de la série.
  • 42 est le score maximal que l’on peut obtenir aux olympiades internationales de Mathématiques.
  • Un geek répond 42 quand on lui pose une question à laquelle il n’a pas de réponse. Siri aussi.
  • La dernière armure de Tony Stark dans Iron Man 3 porte le numéro 42.
  • L’émission Koh Lanta dure 42 jours.

Recherche Google

Douglas Adams, le premier troll de l’histoire d’internet ?

Mais alors, pourquoi 42 ? Et ce nombre est-il vraiment LA réponse à LA question sur le sens de la vie ? Certains ont voulu y voir une dimension mystique et de nombreuses théories plus ou moins farfelues ont été élaborées pour tenter d’élucider le mystère du nombre 42. Elles ont malheureusement toutes été annihilées par une intervention de Douglas Adams le 3 novembre 1993 sur un groupe de discussion de fan :

« La réponse à ceci est très simple. C’était une plaisanterie. Ce devait être un nombre ordinaire et plutôt petit, et j’ai choisi celui-ci. Les représentations binaires, la base treize, les moines tibétains ne sont que des balivernes. Je me suis assis à mon bureau, j’ai regardé dans le jardin et je me suis dit « 42 ira » et je l’ai écrit. Fin de l’histoire. »

Le mystère du nombre 42 ne serait donc qu’une vaste blague ?

Pourtant, ce nombre était déjà étrangement récurrent bien avant que Douglas Adams n’en fasse une légende geek, que ce soit dans la littérature, la religion, les mathématiques et les sciences.

  • En mathématiques, le nombre 42 n’est pas si banal que cela puisqu’entre autres particularités, c’est un nombre de Catalan, méandrique, Harshad, pratique, oblong…
  • En Astronomie, il y a 42 éclipses de soleil et 42 éclipses de lune au cours d’un saros, une période de 223 mois lunaisons (environ 18 ans) qui peut être utilisée pour prédire les éclipses de Soleil et de Lune.
  • En physique, pour qu’un arc-en-ciel se forme, la hauteur du soleil ne doit pas excéder 42°.
  • En littérature, Lewis Carroll, mathématicien et auteur de Alice au pays des merveilles avait une fascination pour ce nombre que l’on retrouve souvent dans son oeuvre et dans sa vie : l’article 42 invoqué par le roi de coeur, les 42 illustrations de John Tenniel, les 42 points présents sur l’échiquier durant la partie d’échecs d’Alice…
  • Dans les textes religieux, le rouleau de la Torah, tout comme la Bible de Gutenberg se compose de 42 lignes de caractères par colonnes. Le Talmud dit que le nom divin de 42 lettres est le plus grand des mystères.
  • Dans l’Egypte antique, Osiris était assisté de 42 divinités.

Mystère non résolu ou simple blague d’initiés ?

Alors, le nombre 42 est-il un troll devenu mythique, une absurdité de plus dans un univers irrationnel, une simple référence littéraire ou y aurait-il vraiment, derrière ce nombre en apparence tout simple, un sens caché qui, s’il était découvert, pourrait bien nous apporter une réponse au grand mystère de la vie?

Selon les personnes interrogées, les avis diffèrent. Pour Romain Vergnory, développeur chez Lucca, c’est juste une référence à Douglas Adams, pour Nicolas Faugout, associé et responsable R&D chez Lucca, c’est simplement le nom d’une école. Pour d’autres jeunes experts du digital, c’est juste une blague d’initiés, une sorte de signe de reconnaissance entre geeks.

Il semble en fait que plus les experts interrogés sont jeunes, moins ils sont fascinés par ce chiffre. L’oeuvre de Douglas Adams étant sorti en 1978, on peut supposer que ce mythe est donc essentiellement générationnel puisque toutes les références au nombre 42 insérées dans les films et séries citées plus haut l’ont été par des réalisateurs ou producteurs ayant grandi dans les années 60-70. De là à dire que le mythe du nombre 42 est voué à disparaître avec les baby-boomers et GenXers biberonnés à Douglas Adams…

On vous laisse en juger !

Nos experts :

  • Nicolas Faugout - Associé et responsable R&D chez Lucca
  • Romain Vergnory - Developpeur chez Lucca

Photo @StartupFreeStock