La boutique-appartement, une tendance qui réenchante le retail

12 févr. 2018

4min

La boutique-appartement, une tendance qui réenchante le retail
auteur.e
Sophie

Journaliste - rédactrice

« Parce que les rythmes ont changé, on fait swinguer les notions de bon et de mauvais goût, on mélange sans complexe les grandes marques et les petits prix, on met en avant la fantaisie, on raconte des histoires pour faire vivre des histoires. Il faut remettre de la passion dans le business, de l’émotion, pour faire vivre aux consommateurs des moments différents, pour les surprendre et les émouvoir. Il est devenu urgent de ré-enchanter le retail ». C’est par ce constat, que Vincent Grégoire, directeur de création Art de Vivre chez NellyRodi, ouvrait en janvier dernier, la première conférence du salon Maison&Objet. L’occasion de décrypter l’une des tendances retail majeures de cette saison, « la boutique-appartement ».

Une tendance inspirée par les consommateurs

Après les fashionistas, un nouveau phénomène est aujourd’hui en train d’apparaître : les «roomistas», comprenez les fans de décoration. Le flux d’images sur la maison et sa décoration est d’ailleurs exponentiel. Sur Pinterest, par exemple, la décoration est la troisième catégorie la plus populaire avec 15 milliards d’épingles, d’idées échangées, se plaçant ainsi juste derrière la cuisine (19 milliards) et la mode (16 milliards). Sur Instagram aussi, les comptes consacrés à la déco’ et aux jolis intérieurs font de plus en plus d’adeptes. À l’image de The Socialite Family qui permet à ses followers de voyager à travers leur écran directement chez les gens. Vincent Grégoire parle d’ « extimité ». Il s’agit de reprendre les codes de l’intime en les rendant public, en les partageant. « Le consommateur a pris le pouvoir, le pouvoir de montrer son intérieur (autrefois réservé à la sphère privée) et le pouvoir de donner son avis, de recommander, de liker ou de détester. » Et ce que le client veut aujourd’hui c’est que les boutiques ressemblent à ce qu’il voit sur les réseaux sociaux. Il s’agit donc pour le retail de placer l’inspiration au coeur du parcours d’achat.

Les codes de l’appartement adaptés au retail

Le concept-store de la Maison Sarah Lavoine a par exemple été pensé comme une maison avec salon, bureau, chambre, dressing pour la mode et les accessoires et même une cuisine pour l’épicerie fine. Pour Elisabeth Leriche, membre de l’Observatoire pour Maison&Objet Paris, « Cette forme de proximité suscite une impression de familiarité, elle facilite l’appropriation des propositions des marques. Dans le domaine de la décoration et de l’art de vivre, les consommateurs ont toujours eu envie d’essayer un canapé ou de toucher une étoffe avant d’acheter. La scénographie qui reproduit les codes de l’appartement active les cinq sens, elle rassure l’acheteur tout en rendant désirables les produits. Le recours au storytelling aide à ressentir le lieu comme habité. Le client aime toujours qu’on lui raconte une histoire, c’est un vecteur d’émotion et d’adhésion. » La boutique-appartement aide en effet le client à se projeter. Le but de cette mise en scène est que le client puisse imaginer les produits dans son propre intérieur, qu’il s’approprie les objets comme s’il était chez lui. Et cela change les règles du jeu : on passe du story- telling au story-living. Le client fait désormais partie de l’histoire.

© Maison Sarah Lavoine

Le story-living

Aujourd’hui, entrer dans une boutique, c’est entrer dans une histoire, dans un univers. Et la tendance « boutique-appartement », c’est justement donner l’impression au client d’entrer chez quelqu’un. Une boutique non plus pensée comme un magasin mais comme un lieu de vie, où la mise en scène est primordiale. « On expose les vêtements, on dresse les tables, on ressort le petit électroménager des placards. C’est ainsi que, tel un collectionneur- curateur, on remet les produits en scène, on les stylise, on les muséographie pour les mettre au format des réseaux sociaux. » Selon Vincent Grégoire, la boutique n’est plus un lieu de vente, c’est un lieu de partage, de transparence, d’échange. Un lieu dans lequel le client ne vient pas forcément acheter mais d’abord s’inspirer, essayer, toucher, poser des questions. Un lieu où l’on explique la provenance, les matières et où on crée du lien. Car tout l’enjeu est de redonner du sens au commerce de proximité, d’imaginer un univers singulier, intimiste pour mieux se différencier des grandes enseignes impersonnelles. De montrer le décor et l’envers du décor. De jouer la carte du « comme à la maison » pour contrer la standardisation et créer de la proximité avec le consommateur.

© La Garçonnière Paris

Tendance « comme à la maison »

La tendance « boutique-appartement », c’est finalement inviter sa communauté comme on invite ses amis, à l’image du concept-store parisien La Garçonnière. Bien plus qu’une simple boutique, ce lieu de vie pensé pour les hommes mixe astucieusement espace café, baby-foot et salon de barbier à une vaste sélection de produits 100% masculins. C’est un lieu où il fait bon déambuler, peu importe ce qu’on vient y faire car la différence ici c’est le client pas le produit. L’enseigne américaine Anthropologie a le même sens des priorités. Dans leurs boutiques, on demande par exemple à chaque client qui souhaite essayer un article en cabine son prénom afin de pouvoir le noter sur sa cabine d’essayage et lui donner la sensation d’être chez lui ou chez elle le temps de sa séance de shopping. C’est une expérience unique qui crée de la curiosité, de la surprise et qui donne surtout envie de revenir. Aujourd’hui pour réussir, un magasin doit être généreux. Il doit partager et inspirer sa clientèle. Il doit surtout avoir de la personnalité.

L’appartement Sézane

Dans ce registre, la marque Sézane fait office d’exemple en ayant réussi à créer une boutique à l’image de ses clients et de sa fondatrice. Une boutique qu’il ne faut d’ailleurs pas appeler “boutique” mais bien “appartement”. L’appartement Sézane est un concept qui redéfinit les codes du retail en imaginant le magasin comme un lieu de destination. Pour Daniela Leonini Bournazac, directrice retail de Sézane, _« Sézane s’est lancée dans le physique pour créer de la proximité et donner l’impression que l’on reçoit chez soi. _» Pour effacer la frontière entre virtuel et réel. Pour permettre à sa communauté de rentrer dans le décor. Dès l’entrée, tout est d’ailleurs pensé pour être instagrammé. Les produits sont mis en scène, prêts à être photographiés et partagés. L’appartement Sézane, c’est une expérience shopping inédite mais c’est surtout des services jusque-là réservés aux marques de luxe. À côté de son appartement parisien, Sézane a en effet imaginé un espace conciergerie ainsi qu’une librairie où les clients peuvent s’installer pour prendre un café, offert par la maison. S’approprier le digital de façon humaine et réussir à trouver l’équilibre entre univers inspirationnel et espace de vente, c’est peut-être ça la recette du succès !

© L’appartement Sézane 

Prochaine édition du salon Maison & Objet Paris : du 7 au 11 septembre 2018

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