Dans le quotidien d’un étudiant à l’école 42

Nov 01, 2017

6 mins

Dans le quotidien d’un étudiant à l’école 42
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Nora Leon

Communications & content manager

« Connaissez-vous la différence entre l’éducation et l’expérience ? L’éducation, c’est quand vous lisez tous les alinéas d’un contrat. L’expérience, c’est ce qui vous arrive quand vous ne le faites pas. _» Cette citation de Pete Seeger établit une hiérarchie entre l’apprentissage et la mise en pratique d’un savoir. Xavier Niel a évacué le problème en créant une formation de code où les élèves apprennent en travaillant sur des projets concrets. L’ouverture de l’école 42 a marqué un tournant en matière d’innovation dans le secteur de l’éducation. Dans cette école, pas de professeur, pas de cursus prédéfini, pas de débouché unique._

Alexandre Bourgeus est étudiant à l’école 42 depuis la rentrée 2016, avec l’ambition de devenir développeur full-stack et monter sa start-up.

Comment es-tu entré à 42 ?

Au lycée, l’école, ce n’était pas mon truc, c’est pourquoi j’ai choisi une voie où je pouvais me professionnaliser vite. J’ai travaillé dans la vente chez Orange puis chez Free jusqu’au moment où je me suis senti dans une impasse. J’ai tout plaqué pour devenir développeur, tout seul. Quand l’un de mes amis m’a parlé de 42, ça faisait déjà six mois que j’apprenais le code en autodidacte, et je n’ai pas hésité une seconde à tenter l’aventure avec lui. On a été pris tous les deux !

Pourquoi as-tu choisi 42 plutôt qu’une autre école de code ?

Pour plusieurs raisons. Tout d’abord, car l’école est gratuite et il n’y a pas besoin d’un diplôme pour y accéder.

Ensuite, la méthode de sélection (reprise d’Epita / Epitech) est elle aussi assez particulière. On doit passer un mois de tests intensifs pendant lequel il faut se dépasser pour espérer être sélectionné·e : c’est la fameuse « piscine ». C’est très challengeant, et pour tout dire j’avais envie de savoir ce que c’était.

J’ai également tout de suite apprécié le fait que l’école soit ouverte 24h/24, 7j/7. Je savais que nous serions libres de travailler à notre rythme : c’est un luxe !

Enfin, le cadre est cool. Un musée de street art gratuit a ouvert au sein des murs : c’est la patte du directeur, qui possède une incroyable collection. C’est très sympa de coder à côté d’un Banksy ! D’ailleurs, beaucoup de gens viennent visiter 42 et nous rencontrer dans les « clusters », par curiosité.

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, il n’y a pas de compétition, on s’entraide beaucoup.

Comment as-tu vécu ce mois de tests, appelé « la piscine » ?

Très bien. C’est une expérience intense, exténuante mais aussi tellement grisante ! On bosse tous ensemble, il y a une belle cohésion. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, il n’y a pas de compétition, on s’entraide beaucoup. C’est une super expérience, peut-être la meilleure que j’aie vécue à 42. Alors évidemment, on est obligés de travailler à fond, on est là 7 jours sur 7 et on est au bout du rouleau tout le temps. Mais pour réussir, on est obligés de poser des questions à droite et à gauche, d’aller vers les autres. Et ça, c’est une expérience complètement unique, car même si 42 est très communautaire, dans la suite de la formation on évolue souvent avec les mêmes groupes, et donc on va moins vers de parfaits inconnus.

On apprend quoi, dans un cursus de 42 ?

Le parcours à 42 peut être très différent d’un élève à un autre. Après avoir validé les deux ou trois premiers projets obligatoires, on décide des prochains parmi quatre branches. Certains choisissent la branche « graphique » où le projet final est de re-coder un moteur graphique. D’autres prennent la branche « d’algorithmie » où l’on créée un « champion » qui se balade sur la mémoire de l’ordinateur pour en attaquer un autre. La troisième option est la branche « système » où l’on re-code un terminal Shell. La dernière enfin est la branche « Web » où l’on reproduit un site de torrent. Chacun décide de l’ordre dans lequel il veut mener son cursus et de sa spécialisation. C’est une école assez libre !

Chacun décide de l’ordre dans lequel il veut mener son cursus et de sa spécialisation. C’est une école assez libre !

Concrètement, comment se déroule l’apprentissage sans professeur ?

La base de 42 est l’apprentissage par les pairs. Ici, pas de prof’ : quand tu as une question, tu demandes à ton voisin de droite, s’il ne connaît pas la réponse tu demandes à celui de gauche, s’il ne sait pas tu regardes sur Google. On apprend aussi beaucoup par les corrections. Tous les projets que nous réalisons doivent être revus par trois à cinq élèves selon un barème de notation défini par 42. Grâce à ces retours, on a l’occasion de croiser des approches totalement différentes du projet qu’on a réalisé et cela nous permet d’améliorer sans cesse notre technique et notre logique pour les travaux suivants.

Quel est ton rythme de travail ?

Souvent, je travaille de 10h à 20h six jour sur sept. Parfois je ne viens pas à l’école pendant une semaine, mais ça reste assez exceptionnel. Et bien sûr, quand on avance sur un projet en groupe, on y passe souvent nos nuits. C’est dur, mais c’est très efficace comme ça aussi !

Quand tu as une question, tu demandes à ton voisin de droite, s’il ne connaît pas la réponse tu demandes à celui de gauche, s’il ne sait pas tu regardes sur Google.

Qu’est-ce qui est le plus difficile pour toi ?

Le fait qu’on soit constamment en échec. On arrive sur un projet auquel on ne comprend rien. On passe un à deux mois dessus, et quand on le rend, on a l’impression d’avoir gravi une montagne. Le lendemain, on débute un nouveau projet et on ne comprend à nouveau rien. C’est positif car cela nous habitue à ne pas avoir peur des nouveaux défis.

Pour toi, il y a un “profil type” chez 42 ?

Au début, 42 était un peu considérée comme l’école de la deuxième chance, mais plus les années passent et plus j’ai l’impression que les gens qui viennent passer les tests sont de plus en plus jeunes. Désormais, beaucoup tentent 42 directement après l’obtention du Bac. Nous avons tous des parcours très différents : on peut parler avec un ancien RH, un ancien chef d’entreprise ou quelqu’un qui vient de l’autre bout du monde. Il y a une grande mixité et aussi de plus en plus de femmes !

Quels types de projets développent les étudiants ?

Chacun travaille sur des projets très divers. Je peux avoir un ami qui travaille sur un jeux-vidéos, un autre qui développe un bot pour Facebook ou Slack et un troisième en train d’apprendre à coder sur la blockchain. Une partie des élèves s’oriente vers de la technique pure et dure, alors que d’autres se servent du code comme d’un outil pour de futurs projets d’entrepreneuriat. D’ailleurs, bien des start-up sont nées à 42 !

Une partie des élèves s’oriente vers de la technique pure et dure, alors que d’autres se servent du code comme d’un outil pour de futurs projets d’entrepreneuriat.

Alors comment se développe l’entrepreneuriat au sein de 42 ?

Nous avons le projet matrice qui nous permet d’être « incubés » 6 à12 mois pour travailler sur des questions de société avec des partenaires tels que l’Institut Pasteur ou le Ministère de la Culture. Nous avons des Hackathons presque tous les week-ends, où nous travaillons ensemble pour trouver des solutions autour de domaines très variés comme la santé, l’agriculture, l’enfance, ou bien directement pour des groupes comme Carrefour, GDF, Ventes-Privées et même la Marine Nationale. Nous avons aussi des ateliers pour apprendre à pitcher ou pour développer nos idées de projets ( https://42entrepreneurs.fr ). C’est très complet et ça nous inspire beaucoup pour entreprendre.

Et toi, est-ce que ton projet professionnel a évolué ?

Au départ, en entrant à 42, je voulais apprendre le développement web pour travailler dans une boîte, ou en freelance, je n’imaginais pas toutes les portes que pouvait ouvrir l’école. Aujourd’hui, je me vois plus travailler dans un projet de start-up ou monter mon propre business. Je suis très intéressé par les problématiques du big data et de la blockchain.

Quels conseils donnerais-tu pour réussir la formation ?

Il faut être assez mûr et s’imposer des horaires de travail. Comme personne ne vérifie ce qu’on fait de notre cursus, il peut être facile de glisser et de s’absenter une semaine, puis deux, puis un mois et de se retrouver en difficulté car les personnes avec qui nous travaillions sont déjà en stage ou trop loin dans le cursus.

Il faut être assez mûr et s’imposer des horaires de travail.

As-tu déjà rencontré Xavier Niel ?

Oui, bien sûr ! Il passe souvent à l’école. Par exemple, la semaine dernière, il l’a présentée au patron de Thalès. Quand il vient, il est proche des étudiants, et n’hésite pas à engager la conversation avec eux. Moi, il m’a déjà posé des questions. C’est agréable de voir que c’est quelqu’un d’accessible.

Quels sont tes modèles ?

Elon Musk cartonne ! C’est un visionnaire, il fait glisser le futur dans le présent. Tant de ses projets devraient être montés seulement dans 20-30 ans, mais lui les mène à bien maintenant. Il veut construire une fusée qui fasse New-York-Paris en 30 minutes, c’est incroyable ! Il veut mettre des satellites partout dans le monde pour avoir de la WiFi partout. Et même construire un engin pour aller sur Mars à horizon 2022 je crois. Je trouve cet entrepreneur génial parce-qu’il repousse les limites de l’infaisable.

On nous montre que nous avons bien plus de ressources que nous l’imaginions.

Au final, qu’est-ce que tu retires de la formation ?

42, c’est l’école de tous les possibles. Cette école nous apprend au jour le jour qu’il ne faut pas avoir peur de se lancer. Dans le cursus scolaire classique, on nous restreint, et on nous donne l’impression que nous ne sommes pas capable de faire de grandes choses, de nous réaliser. À 42, on apprend tout « from scratch », ce qui nous rend débrouillards. On nous montre que nous avons bien plus de ressources que nous l’imaginions.

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Photo by 42

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