L'histoire caféinée d'Hippolyte Courty, fondateur de l'Arbre à Café

Mar 11, 2018

6 mins

L'histoire caféinée d'Hippolyte Courty, fondateur de l'Arbre à Café

C’est l’histoire d’Hippolyte Courty, ex prof’ d’histoire et passionné de recherche qui n’aimait pas le café et son goût brûlé et caoutchouteux. En 2009, quelques rencontres et une grande révélation plus tard, ce féru de challenges décide de créer seul l’Arbre à Café dont l’ambition première est de rendre au café ses lettres de noblesse en le faisant devenir produit d’exception. Aujourd’hui, avec son équipe de passionnés, il travaille pour la haute gastronomie avec des grands restaurants, chefs et pâtissiers. Son ambition ne s’arrête pas là, puisqu’il a également créé l’École Française du Café et ouvert une boutique dans le 2eme arrondissement de Paris !

Tu es à la fois passionné d’histoire et de gastronomie et tu as un parcours très riche. Tu as toujours aimé passer d’un projet à un autre ?

Oui, je dis souvent qu’il y a des gens pour qui c’est difficile de changer, et d’autres pour lesquels c’est difficile de ne pas changer. J’appartiens à la deuxième catégorie ! J’ai fait des longues études d’histoire et beaucoup de recherche. En parallèle, j’ai multiplié les activités dans la gastronomie car j’ai toujours été passionné par cet univers : formation à la dégustation, critique gastronomique pour des guides, rédaction d’articles pour la coutellerie et l’artisanat. Et au fur et à mesure, je me suis retrouvé à vendre du vin !

Comment le café est-il arrivé dans ta vie ?

C’était en 2008, j’étais agent de vigneron et je faisais des promenades oenotouristiques à Paris. Pendant une de ces promenades, j’ai rencontré un éditeur qui aimait ma façon de raconter les choses. Il m’a proposé d’écrire un livre sur le café et j’ai accepté. Lors de mes recherches pour le livre, j’ai beaucoup voyagé à l’étranger. J’ai fait une rencontre qui a été un déclic puisque c’était la première fois que j’entendais une personne décrire le café avec précision et subtilité, en donnant une importance aux mots, comme dans le vin. Elle m’a expliqué que tel café venait de tel producteur et de tel pays, qu’il avait telle variété et telle fermentation. Le discours était beaucoup moins flou que je l’imaginais.

C’est grâce à ces rencontres que j’ai commencé à voir le café comme un produit d’exception, qui avait la possibilité d’être travaillé alors que je l’avais toujours envisagé comme un produit industriel. Malheureusement, c’était en 2008 pendant la crise des subprimes, et l’éditeur m’a appelé pour me dire que le projet ne se ferait pas.

J’ai fait des longues études d’histoire et beaucoup de recherche. En parallèle, j’ai multiplié les activités dans la gastronomie car j’ai toujours été passionné par cet univers.

Pourtant tu as voulu rester dans ce nouvel univers, pourquoi ?

Oui car tous mes amis dans la restauration haut de gamme m’avaient vu gagner en expertise autour du produit et m’affirmaient qu’il n’y avait pas d’offres pertinentes autour du café. D’après eux, il y avait de moins en moins d’artisans et de plus en plus d’industriels. On était au début de la gastronomie de produits avec l’ouverture des tables de Camdeborde ou de restaurants comme le Verre Volé qui faisaient très attention à la valeur du beurre, de la confiture, du pain…

Ton ambition a alors été de travailler avec ces restaurateurs ?

Cela faisait quelques années que j’évoluais dans le monde de la gastronomie et je commençais à bien connaître les codes. Je voulais magnifier les fins de repas des restaurants gastronomiques en proposant du café d’exception. J’ai eu la chance de commencer à travailler avec trois caves à manger renommées, le Verre Volé et Autour d’un verre à Paris et les Crieurs de vin à Troyes : ils m’ont mis le pied à l’étrier et ça a marché. On est arrivé au bon moment je pense.

Je voulais magnifier les fins de repas des restaurants gastronomiques en proposant du café d’exception.

Comment fait-on du café un produit d’exception ?

Pour faire de l’extrême qualité, on est parti du postulat que dans tout produit de luxe et haut de gamme il y a une maîtrise complète de la chaîne de valeur. Ce qui est unique c’est que l’on fait du consulting auprès des planteurs, il y en a une quinzaine partout dans le monde, en direct trade, engagés et investis dans des agricultures très durables.

Pour être sûr de garder cette qualité, en plus de sourcer par nous-mêmes, on importe, on torréfie, on distribue, via notre boutique et site-web. Et enfin, on fait beaucoup de partenariats et de consulting avec des chefs, des pâtissiers et des partenaires privilégiés qui nous donnent de la profondeur dans notre travail comme Pierre Hermé, Anne-Sophie Pic et Sébastien Gaudard.

Pourquoi as-tu décidé d’ouvrir une boutique ?

Pour pouvoir faire de la vente directe aux clients et répondre à la presse qui voulait parler de nous : c’est plus facile lorsqu’on a pignon sur rue. On a en fait transformé notre showroom-entrepôt rue du Nil, à Paris, en boutique accueillante. C’est une rue très fréquentée par tous les amateurs de bons produits et les chefs. On y trouve des fournisseurs de la haute restauration de produit qui se rassemblent autour d’une éthique comparable : travailler en direct avec les producteurs et avec des agricultures bio, avec une qualité à la fois humaine du produit et agricole.

Ce qui est unique c’est qu’on fait du consulting auprès des planteurs, il y en a une quinzaine partout dans le monde, en direct trade, engagés et investis dans des agricultures très durables.

Dégustation à l’atelier - Paris 14eme

Dégustation à l’atelier - Paris 14eme

Pourquoi as-tu choisi ce nom “L’Arbre à Café” ?

Notre raison sociale est “Terres et Hommes”, ce qui correspond bien à notre état d’esprit mais en nom de marque ça ne marchait pas bien. J’ai choisi “L’Arbre à café” car j’aimais le fait de visualiser l’arbre, je voulais vraiment imaginer le café dans son élément naturel en le replaçant comme un produit et non pas comme quelque chose de désincarné et superficiel. En 2008, c’était la grande période des capsules, on avait l’impression qu’elles poussaient dans les arbres ! Il me tenait à cœur d’ancrer le café comme produit agricole et de rapprocher le consommateur des origines de la plantation du producteur, mais sans misérabilisme !

Comment transmettez-vous cette passion au public ?

On a créé l’École Française de Café il y a deux ans qui est destinée aux particuliers qui veulent découvrir le café de spécialité. On propose des cours de 2h30 qui sont conçus comme des voyages au cœur du café où l’on déguste des cafés différents. On a aussi des cours plus pratiques, sur comment réussir son expresso, son café filtre… car c’est important de reprendre les bases !

Dans cette optique de transmission, on a aussi écrit deux livres : CAFE, qui est un peu le livre de référence sur le café avec des magnifiques photos, et Les 101 mots du café qui est un ouvrage collectif où toute la famille du café, des nez, designers ou artistes qui ont approché le café racontent leurs expériences.

En 2008, c’était la grande période des capsules, on avait l’impression qu’elles poussaient dans les arbres !

Qu’aimes-tu particulièrement dans ton quotidien ?

Il y a trois choses que j’aime particulièrement. Ce qui me ravit, c’est quand je vois des membres de l’équipe prendre leur envol, acquérir une confiance dans leur tâche, une autonomie, une pertinence qui est superbe. Ensuite, c’est la relation que nous avons avec les producteurs : c’est une grande joie de tisser de tels liens et d’échanger nos idées. Et enfin, quand on travaille avec des chefs et pâtissiers, c’est toujours un partenariat d’une simplicité évidente mais le résultat est à chaque fois extraordinaire et magnifique. On a réussi à faire du café un produit d’exception grâce à tous ces talents et ce travail de précision, de transmission et d’éducation qui a été fait depuis des années.

Et quel est ton café de prédilection ?

J’aime beaucoup le Kent de la productrice indienne Unna. C’est un café indien et c’est rare que les gens associent l’Inde au café. Pourtant le sud de la péninsule est recouvert de plantations et l’Inde fut le troisième pays à connaître l’Arabica bien avant l’Amérique. La plantation est perchée sur les hauteurs d’une réserve naturelle peuplée d’éléphants, de tigres et d’oiseaux. Le café est cultivé en agriculture biodynamique et védique (selon les principes des Veda) et donc le plus naturellement possible. Cela donne un café extrêmement bon, suave, lacté, épicé aux notes affirmées de caramel et de rose. Lorsque nous en manquons, les habitués font le siège de la boutique !

Sinon dans l’ensemble, le café que j’aime c’est le café de l’équipe, qu’on boit ensemble. Dans l’histoire, j’ai commencé tout seul, j’ai appelé un associé, puis l’équipe s’est étoffée. En fonction des moments et des pulsions de l’entreprisen on a besoin d’un café doux, réconfortant ou au contraire un café plus punchy. Ce que j’aime c’est cette diversité, cette polyphonie.

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Photo WTTJ

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