Portrait d'entrepreneur | Regis Pennel, fondateur de L'Exception

Aug 21, 2017

4 mins

Portrait d'entrepreneur | Regis Pennel, fondateur de L'Exception
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Clémence Lesacq Gosset

Editorial Manager - Modern Work @ Welcome to the Jungle

Le fondateur de l’Exception, ancien Haut-fonctionnaire du ministère des Finances, a su imposer sa voix dans le très exigeant monde des concept-stores.

Jusqu’à quand le destin peut-il vous rattraper ? Est-il, un jour, trop tard pour tout envoyer valser et, enfin, ne faire qu’un avec soi-même ? En filigrane d’un entretien avec Régis Pennel, c’est cette vague de questions qui submerge. Il faut dire que dans la famille des reconversions renversantes, le trentenaire n’y est pas allé de main morte. Après une première vie au ministère des Finances, Régis Pennel est aujourd’hui à la tête d’un des select-stores les plus courus de la capitale. Lancé sur le net en septembre 2011, son Flagship-store est amarré depuis bientôt un an le long de la canopée des Halles. Bien loin du quai de Bercy.

Attablés dans le coin café du 24 de la rue Berger, il fallait bien deux expressos longs pour retracer le parcours du fondateur de l’Exception…

Exigeant

Le CV est parfait. D’une ligne sur l’autre, il fait rimer Ecole Polytechnique et Ecole des Mines. Puis, strophe “expériences” : un premier poste au ministère des Finances dès 2005, en tant que Chargé de mission sur les financements des exportations (ceux de nos avions, paquebots et centrales nucléaires). Régis Pennel y planche sur des contrats à plusieurs millions voire milliards d’euros. Un “poste en or” que la République n’offre qu’à ses enfants les plus brillants. L’aboutissement d’un rêve ? Pas vraiment. “Le Ministère, c’était plus un non-choix qu’un choix. Vu les études que j’avais faites, c’était un chemin tout tracé : les meilleurs qui sortent de Polytechnique vont en ministère.” L’explication, implacable, aurait pu tutoyer la prétention. Dans la bouche de l’Ingénieur, elle n’est qu’une réponse très cartésienne à une très simple question. Comme un plus un ferait deux.

C’est dans le 13ème arrondissement parisien, entre un père Ingénieur et une mère Expert-comptable, que Régis grandit. Excellent élève, comme son grand frère qui partira en finance, il ne rêve d’aucun métier (“surtout pas d’être entrepreneur ! ”) et avance avec application, sans s’encombrer de points d’interrogation. Une manière, également, de remettre à plus tard le choix d’une vie. Après tout, pour s’offrir l’horizon le plus large possible, autant se poser sur la plus haute des cimes… Depuis, le goût de la rigueur et du travail bien fait anime, parfois à l’extrême, celui qui ne boit et ne mange “que des bonnes choses”. Une exigence que le Manager de désormais 23 salariés transmet à ses équipes. “J’ai appris à déléguer et je laisse les gens régler leurs problèmes. Chacun doit être force de proposition.” La voix, douce, avoue se faire acerbe lorsque quelque chose doit être corrigée.

Rattrapé

“En quelle année ai-je quitté le ministère ? Oula, ça fait tellement longtemps. J’ai l’impression que ça n’a jamais existé… Heureusement que LinkedIn est là pour s’en rappeler.” Les commissures se soulèvent et les doigts graciles courent sur un clavier. “Ha voilà. Le ministère, c’était de 2005 à 2007.” Un ennui mortel ? “Non, pas vraiment… Disons que ce n’était pas des plus passionnants. C’était l’Auberge espagnole quoi.” Projecteur sur la dernière scène de Klapisch, où Romain Duris, cerné par les dossiers jaunes, bleus et rouges, part en courant du ministère des Finances, pour se lancer dans l’écriture…

Régis Pennel, c’est la mode et le luxe qui l’ont rattrapé. “Je ne sais pas d’où me vient cette passion. Dès que j’ai été jeune adulte, j’ai aimé bien m’habiller, peut-être un peu plus que les autres, oui.” À scruter le beau visage rasé de près, presque androgyne, le phrasé délicat épris de culture, on jurerait que la nature le prédestinait à s’affranchir des murs de l’Administration. “Au ministère, j’étais un peu à part parce que j’avais des vêtements qui sortaient de l’ordinaire. Mais je n’ai jamais été excentrique ! La seule fantaisie que je m’accordais c’était des cravates un peu design. Je n’ai tout simplement jamais pensé que ma passion pouvait devenir un métier.”

En 2007, après que le poste qu’il espérait à la Culture lui a été refusé (on préférait lui confier l’armement…), Régis embarque dans la maison de couture Céline. S’en suivront quatre ans de “vrai bonheur” professionnel. D’abord en formation sur le terrain, puis comme Chef de produits maroquinerie sur les collections de Phoebe Philo. L’occasion de tomber le trois pièces et de lâcher (un tout petit peu) la bride vestimentaire. D’ailleurs, on avait vu quelques portraits décalés, nœud papillon orange et sweat tatoué Mon petit chat, et c’est presque déçu qu’on a été accueilli par une sage chemise en popeline, glissée sous un pull bleu marine. Seul détail pour détonner : quelques pois sur les chaussettes.

Innovant

Six ans que la marqueL’Exception se fait sa place. Imaginée dès 2010 comme un tremplin pour les jeunes créateurs mode français, L’Exception présente aujourd’hui de la maroquinerie, du design, des chaussures et même de l’alimentaire. “On s’intéresse à toutes les innovations françaises dans tous les segments.” En quelques heures, l’entrepreneur peut prendre sa décision concernant l’entrée d’un produit. “Si on n’est pas réactif aux nouvelles choses, on n’avance pas.”

Parfois décrit comme autant connecté que sa boutique, Régis Pennel dément la rumeur. Si pas un jour ne passe sans qu’il ne consulte ses mails ou son Facebook, il n’utilise pas Snapchat et vient juste de s’enticher d’Instagram. “J’adore la photographie. J’ai eu des cours en studio quand je travaillais à LVMH. À l’époque, je prenais aussi beaucoup de clichés pour alimenter mon blog, sur lequel je mettais déjà en avant des jeunes créateurs. Aujourd’hui, je me balade peu avec un gros boîtier donc ça finit souvent en photos prises avec l’iPhone ! ”.

Dans le placard des “mis de côté”, outre le reflex, celui qui a longtemps baroudé seul en Asie du Sud-Est, puis écumé les soirées fashion, a depuis quelques temps déjà remisé sac à dos et tenues de cocktail. “Lorsqu’on travaille 70 heures par semaine, on fait des choix sur son temps libre. Ma priorité, aujourd’hui, est de le consacrer à ma femme et mon fils. D’ailleurs, maintenant que l’entreprise existe depuis six ans, ma résolution 2017 est de prendre plus de temps pour ma vie privée.” La plus belle des exigences.

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