La démission : comment bien se faire la malle ?

Oct 08, 2019

6 mins

La démission : comment bien se faire la malle ?
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Gabrielle de Loynes

Rédacteur & Photographe

Reconversion professionnelle, tour du monde en solitaire, partir élever des chèvres dans le Larzac ou se lancer dans la permaculture… Il y a mille raisons pour “poser sa dem’” et envoyer valser un travail qui nous déplaît. À en croire le succès de Pose ta dem’, site d’inspiration et de formation créé en 2017 pour ceux et celles qui veulent changer de job, on assiste à un véritable phénomène de société. Autour de vous, tout vous y incite : envie de changer d’air, amis reconvertis, quête insatiable de sens au travail… Pourtant, poser sa démission n’est pas sans conséquences. Welcome to the Jungle vous explique à quoi vous vous exposez en démissionnant et la procédure à suivre pour aller au bout de votre décision.

La démission en quelques mots

« La seule liberté que l’homme simple désire vraiment, c’est celle de démissionner de son job, de se faire dorer au soleil et de se gratter là où ça le démange. » Henry Louis Mencken, journaliste américain.

La démission : une rupture

La démission est une rupture du contrat de travail à l’initiative du salarié. C’est l’expression libre de sa volonté d’arrêter son emploi. Pour être valable, ce doit être un acte réfléchi et volontaire. L’employeur ne peut contraindre son salarié à démissionner au risque de voir la démission requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse, ce qui lui coûterait bien plus cher (procédure prud’homale, dommages et intérêts). Elle ne concerne que les salariés en CDI car, dans le cadre d’un CDD, on parle davantage de rupture anticipée du contrat de travail.

En principe, il s’agit d’un acte irrémédiable, qui ne peut être contesté par l’employeur. Cependant, selon les circonstances de cette démission, il peut exister un droit de rétractation pour le salarié. Les juges ont ainsi admis la rétractation :

  • Le jour même d’une démission remise sous le coup de la colère ou de l’émotion
  • Le lendemain d’une démission déposée suite à un entretien préalable à sanction disciplinaire
  • Après la rédaction d’une lettre de démission dans une période dépressive
  • Trois jours après la rédaction d’une lettre de démission suivant un modèle proposé par l’employeur

Une décision claire et volontaire

L’intention de démissionner doit résulter d’une expression non équivoque du salarié, qu’elle soit verbale ou écrite. Ne sont donc pas assimilées à une démission toutes les attitudes du salarié qui pourraient prêter à confusion, telles que :

  • L’absence prolongée et injustifiée du salarié malgré des courriers recommandés et une mise en demeure de réintégrer l’entreprise
  • Une altercation violente avec son employeur
  • Une dispute avec un collègue
  • Le refus d’accepter une modification des conditions du contrat de travail
  • Le refus d’accepter une modification du contenu du contrat de travail

En revanche, selon la Cour de cassation, le fait qu’un salarié soit embauché par un autre employeur caractérise une volonté claire et non équivoque de démissionner.

Comment “poser sa dem’” ?

Claquer la porte pour ne jamais revenir, débarquer dans une réunion d’équipe en chantant « Au revoir, au revoir président », pousser une gueulante contre son patron, qui n’a jamais vu une scène pareille dans un film ? Il y a quand même meilleure manière de “poser sa dem’”. Soyez simple et assurez vos arrières en rédigeant une belle lettre recommandée exprimant clairement votre volonté. C’est peut-être moins dramatique, mais sûrement plus efficace !

Procédure

À moins que votre convention collective ne prévoie de dispositions particulières, vous pouvez poser votre démission par oral ou par écrit. En théorie donc, pas de formalité obligatoire. Mieux encore, la démission ne vous oblige à aucune justification. Elle peut être sans motif. Vous vous êtes levé du mauvais pied, la tête de votre patron ne vous revient pas, vous voulez prendre un congé sabbatique ? Un peu exagéré, peut-être, mais dans les faits, rien ni personne ne pourra vous empêcher de démissionner !

Afin de vous protéger, tout de même, en évitant toute contestation de votre intention de démissionner ou de la date de fin de contrat, il est préférable de remettre votre démission à votre employeur par écrit et en recommandée avec accusé de réception. On n’est jamais trop prudent…

Préavis

La démission met fin au contrat de travail et déclenche un préavis dont le salarié est redevable. C’est précisément l’utilité de la lettre recommandée : fixer le délai de préavis.

Pendant ce délai, dont la durée est déterminée par la convention collective, le salarié continue d’exécuter son contrat de travail dans les conditions habituelles. Horaires, charge de travail, obligations professionnelles : rien ne change. C’est aussi le moment propice pour restituer à l’entreprise les biens et matériels qui ont été mis à sa disposition (logement et/ou voiture de fonction, ordinateur, téléphone).

Ayez bien en tête que ce préavis est une obligation légale. Le refus de son exécution de la part du salarié l’expose à une procédure prud’homale et peut-être à des dommages et intérêts.

Dispense de préavis

Il est toutefois possible, lorsque la démission intervient dans de bonnes conditions ou quand le maintien du salarié dans l’entreprise n’est pas souhaitable, de se voir dispensé de son préavis. La dispense peut concerner tout ou une partie du délai de préavis. Attention, de la personne à l’origine de cette dispense dépend la perception d’une indemnité compensatrice de préavis :

  • Si c’est une décision de l’employeur, le salarié a le droit à une indemnité
  • Si elle fait suite à une demande du salarié, le préavis est écourté sans indemnité

“Poser sa dem’”, oui mais après ?

Ça y est, vous avez claqué la porte, à vous la liberté ! Profitez-en car vous risquez d’être rapidement ramené à la réalité. Les allocations chômage étant très limitées, il vous faudra un plan B pour rebondir.

Indemnités chômage sous conditions

En principe, le chômage est dû aux personnes involontairement privées d’emploi suite à un licenciement ou une fin de contrat, dès lors qu’elles ont suffisamment cotisé. La démission, qui est une rupture volontaire du contrat de travail, n’ouvre donc pas droit en principe au bénéfice des allocations chômage. Néanmoins, il existe deux types d’exceptions :

1. Votre démission est considérée comme légitime

  • Pour raison privée : vous devez suivre votre conjoint muté ou embauché dans une autre région, vous êtes contraint de déménager suite à votre mariage ou Pacs, ou vous êtes dans l’obligation de déménager car vous êtes victime de violences conjugales.
  • Pour raison professionnelle : votre employeur n’a pas réglé plusieurs de vos salaires, vous avez été victime d’un acte délictueux (comme un harcèlement moral ou sexuel, ou une agression) lors de l’exécution de votre contrat de travail.

2. Vous avez un projet de reconversion professionnelle

À partir du 1er novembre 2019, grâce à la réforme de l’assurance chômage, le Code du travail prévoit que les salariés qui démissionnent dans le but de suivre un projet de reconversion professionnelle ont le droit aux allocations chômage. Toutefois, le bénéfice de cette allocation est soumis à deux conditions cumulatives :

  • Le démissionnaire doit justifier de cinq ans d’ancienneté au service de son employeur.
  • Le démissionnaire doit suivre un projet de reconversion professionnelle nécessitant le suivi d’une formation ou d’un projet de création ou de reprise d’une entreprise. Ce projet doit être réel et sérieux, et attesté comme tel par la Commission paritaire interprofessionnelle régionale.

Avant de démissionner, le salarié devra demander un conseil en évolution professionnelle pour établir son projet de reconversion. Ce conseil, dont l’objectif est de favoriser l’évolution du parcours professionnel, est en fait accessible au salarié tout au long de sa carrière. Il pourra ainsi accompagner ce dernier dans sa prise de décision.

Pendant sa reconversion, le démissionnaire aura à s’inscrire comme demandeur d’emploi pour bénéficier des allocations chômage. Il lui faudra également justifier auprès de Pôle emploi, dans les six mois qui suivent sa démission, des démarches effectuées pour mettre en œuvre son projet. Les allocations chômage pour démission ne sont pas illimitées :

  • Le montant brut journalier de l’ARE est calculé en fonction du salaire journalier de référence et ne peut être inférieur à 29,26 € par jour.
  • La durée d’indemnisation maximale pour la reconversion est de 730 jours pour les moins de 53 ans, 913 jours pour les 53-55 ans et 1 095 jours à partir de 55 ans.

Les alternatives : abandon de poste et rupture conventionnelle

Vous l’aurez compris, démission ne rime pas automatiquement avec allocations… Et, en pratique, le salarié peut être tenté d’opter pour un abandon de poste dans le but de percevoir le chômage. Cela revient tout simplement à boycotter son poste et cesser donc d’exécuter son contrat de travail.

Néanmoins, cette décision n’est pas anodine. Elle l’oblige à adopter une attitude rebelle qui pourrait entacher sa réputation. Elle suppose surtout une procédure de licenciement à l’initiative de l’employeur qui pourrait conduire à un licenciement pour faute grave, privant le salarié de son indemnité de licenciement et de son indemnité compensatrice de préavis.

Reste au salarié qui se trouve en bons termes avec son employeur la possibilité de conclure une rupture conventionnelle. Cette option lui ouvre en effet un droit aux allocations chômage, mais encore faut-il que l’employeur l’accepte…

Photo d’illustration par WTTJ