Trouver sa voie : ils nous racontent comment ils ont eu le "déclic"

Jun 28, 2022

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Trouver sa voie : ils nous racontent comment ils ont eu le "déclic"
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Elise Assibat

Journaliste - Welcome to the Jungle

Dans l’imaginaire collectif, on choisit ses études, le métier qui va avec et dès lors qu’on met un pied dedans, une route bien tracée nous attend. Pourtant, rares sont les parcours dépourvus de turbulences. Et bien souvent, la voie qui deviendra la nôtre s’impose au détour d’une rencontre, d’un lieu ou d’une parole bien placée sans même qu’on ait pu l’anticiper. Alors, si l’on est chanceux, une prise de conscience s’empare de nous pour nous donner la direction de cette nouvelle ambition et l’on se prend au jeu. Mélanie, Salomé et Ombeline nous racontent ce moment où un déclic imprévu leur est tombé dessus. Tour d’horizon.

Mélanie, 41 ans, maquilleuse studio

Le jour où ma vie prend un tournant radical, j’ai vingt ans et cela fait deux ans que je suis des études de pharmacie. Je ne m’y plais qu’à moitié, mais je continue de m’accrocher, faute de mieux. Au retour des vacances de Noël, je me retrouve à une fête et fais la connaissance d’une pote de pote. Le courant passe et nous passons le reste de la soirée à discuter toutes les deux en fumant des cigarettes à la fenêtre. Elle est maquilleuse studio et adore ce qu’elle fait. Ça me change des étudiants de médecine, d’école de commerce ou d’ingénieur qui m’entourent. Alors j’en profite, je la bombarde de questions, et plus ses histoires s’enchaînent, plus je suis fascinée par ce monde que je ne connais pas. Il faut dire que de là où je viens, ce n’est pas un métier qui court les rues.

J’ai grandi dans une petite ville de Lorraine et l’orientation en province ressemble davantage à un panel extrêmement réduit qu’à un flot d’opportunités. Pourtant, sans vraiment l’avoir considéré, j’ai toujours été attiré par la photo et le cinéma. Des milieux si loin du mien. Comme un secret un peu honteux dont je n’ai jamais parlé. Mais face à cette jeune passionnée, il me revient des rêves d’adolescente oubliés depuis longtemps. Elle me raconte les tournages sur lesquels elle travaille et notamment celui qui l’a conduite à venir jusqu’ici. Le plateau est à une heure, près de Metz et elle me propose de l’accompagner pour voir tout ça de plus près.

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J’accepte avec beaucoup d’enthousiasme et nous nous retrouvons quelques jours plus tard dans la loge d’un des acteurs. Il est prêt à jouer une scène dans un hôpital, mais avant de passer à l’action, il va être maquillé pour prêter ses traits à un personnage plus vieux que lui. Ma nouvelle amie s’empare de trois pinceaux et en quelques coups bien précis, transforme l’homme en un autre. Je trouve le processus incroyable et sur le chemin du retour, je sais que j’ai trouvé ma voie.

Ni une ni deux, je rassemble tous les documents et informations nécessaires pour convaincre mes parents, je me renseigne auprès de la Banque pour faire un prêt. Ils acceptent et je pars à Paris plus déterminée que jamais, direction l’école de maquillage. En parallèle des cours qui m’occupent, je prends un petit boulot étudiant chez Mac (une grande marque de maquillage, ndlr) et me forme sur tous les types de peaux que je maquille chaque jour. J’aime sublimer les visages que je ne connais pas, puiser dans ma sensibilité pour m’inspirer. Quand j’obtiens mon diplôme, j’assiste une grande maquilleuse studio et le milieu de la mode m’ouvre progressivement ses bras. Les shooting photo s’enchaînent, les collaborations avec les marques aussi et je me retrouve au fil des années propulsée dans les coulisses des plus grands défilés. Artistes, mannequins, photographes font désormais partie de mon quotidien et pas un jour ne passe sans que je ne me sente à ma place.

Salomé Nahon, 26 ans, bientôt capitaine pompier

J’ai toujours été du côté des indécis. De ceux qui ne sont pas entièrement sûrs de ce qu’ils veulent faire. Alors quand il a été question de trouver un métier, j’ai tout de suite su que je ne serais pas une passionnée. Comme d’autres, je ferais un boulot qui me plaisait sans avoir d’épiphanie, et ça m’allait très bien. Après des années d’études en école de commerce, je me tourne vers la transformation digitale en tant que consultante et je m’y plais beaucoup. J’accompagne des grandes entreprises durant plusieurs mois, des industriels, des acteurs publics, des ONG… J’aime les rencontres, la découverte de nouveaux milieux, mais sans jamais ressentir d’attraction particulière pour l’un d’entre eux. Enfin, ça c’était jusqu’au mois de janvier 2020, où je commence une mission avec le service départemental d’incendie et de secours de Haute Savoie.

Plus les jours passent, plus je prends conscience de cette fascination qui m’anime au contact de cette nouvelle organisation dont j’ignorais tout. Alors que l’univers des pompiers se résumait pour moi au bal du 14 juillet, je découvre les pôles de sauvetage, les différents pôles de stockage, la gestion des différentes unités, la surveillance des zones via hélicoptère… J’ai l’impression d’être une enfant qui regarde son premier film Disney. À mon retour à Paris, j’ai des étoiles dans les yeux, même si c’est très loin de mon métier.

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Je continue mes recherches sur les pompiers, et je tombe sur le site du gouvernement avec les dates des concours des différents grades. Je note que celui pour devenir capitaine ouvre en 2023 et je me renseigne concernant les prérequis en termes de niveau d’études, de connaissances et d’aptitudes physiques. Les épreuves semblent difficiles mais avec un an de préparation, j’ai envie de tenter ma chance. Et cette idée ne quitte plus mes pensées. Je contacte une vingtaine de capitaines pompiers récemment diplômés pour leur poser toutes mes questions. Après avoir raccroché avec le dernier en liste, les papillons dans mon ventre sont plus agités que jamais et j’en pleure presque de joie. La sensation de servir la société, d’être utile, la dimension sportive, l’action, le collectif… Tout m’attire et tout me plaît. C’est décidé, à partir de maintenant je suis prête à tout pour devenir capitaine pompier.

Je parle de mon projet à mon manager ainsi qu’à mes collègues et mon départ va se faire d’ici quelques mois. Histoire de me laisser le temps de préparer le concours comme il se doit. En attendant, j’ai déjà passé des tests dans un département voisin du mien pour devenir pompier volontaire et goûter au terrain.

Ombeline de Tarragon, 45 ans, humoriste

Avant d’embrasser ma nouvelle voie, j’ai toujours beaucoup travaillé. Pour gagner ma vie, pour gagner en reconnaissance, parce que j’estimais alors que “faire carrière” était ce qui me convenait. S’en est suivi des années en entreprise, en agence de com, à bosser d’arrache pied, à côtoyer des boss compétents et d’autres moins. Mais plus le temps passait, plus j’étais fatiguée. Alors quitte à travailler trop sans trop gagner d’argent, autant passer ses journées à faire quelque chose qui me plaisait et dont j’étais fière. Quand je démissionne en 2015, se pose la question de la suite. Ma deuxième fille venait de naître et je m’occupais des enfants à la maison, sans avoir envie de devenir mère au foyer pour autant. Lorsqu’un an plus tard, j’accompagne mon aînée à son cours de danse dans le 18e arrondissement de Paris, je m’arrête devant une devanture. L’enseigne dit : École de one-man show. Mon cerveau me dit “bingo” !

Difficile à expliquer mais tout d’un coup j’ai la conviction que le stand up s’offre à moi comme une issue parfaite en ce mois de janvier pluvieux. Avant ça, le milieu artistique m’avait toujours fait de l’œil et plus jeune, j’avais même commencé à bosser pour me payer des cours de théâtre. Mais la dureté du milieu, la concurrence et les castings avaient fini par me décourager. Et pourtant, en me couchant ce soir-là, je repense plus précisément à cette sensation qui s’empare de moi lorsque je fais marrer mes amis, ma famille et je sais que c’est ce que je veux ressentir sur la durée. Moi qui pensais interpréter des rôles dramatiques sur les planches ou sur grand écran, je me retrouve à me projeter sur la scène pour entendre le rire des gens. Et je m’endors en souriant.

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Déterminée, je passe le concours d’entrée peu de temps après et au moment d’improviser un texte que j’ai écrit pour l’audition, je me sens dans mon élément. Les cours démarrent et je continue sur ma lancée, j’apprends à écrire des sketchs, à bouger, à jouer pour un public. Je m’amuse, loin des diktats du salariat, je tourne des situations de vie en autodérision et je sens que ça me fait du bien au quotidien. Évidemment le métier n’est pas facile - surtout lorsqu’il s’agit de remplir les salles chaque semaine - mais aujourd’hui je ne mets plus autant la pression qu’avant. J’ai également entrepris une formation pour devenir coach, il y a moins de deux ans, que j’exerce aujourd’hui en parallèle de mon spectacle. Un moyen de m’assurer plus de sécurité, mais aussi d’accompagner les gens dans différentes problématiques personnelles comme la confiance en soi grâce à la scène. Et si l’avenir est forcément incertain, l’euphorie qui s’empare de moi et qui met tant de temps à retomber à la sortie du Théâtre du Marais est bien réelle.

Article édité par Romane Ganneval
Photo de Thomas Decamps

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