Accidents du travail : quels sont nos droits ?

10 abr 2019

8 min

Accidents du travail : quels sont nos droits ?
autor
Cécile Nadaï

Fondatrice de Dea Dia

Qu’est-ce qu’un accident du travail ? Dans quels cas est-il caractérisé ? Que faut-il faire et à quoi a-t-on droit quand on en est victime ? Autant de questions que l’on se pose rarement avant d’être confronté au problème. Pourtant, en connaître les réponses en amont permet de faire face aux difficultés avec plus de sérénité lorsque cela arrive…

Accident du travail : que dit la loi ?

Selon la définition du Code de la Sécurité sociale, un accident de travail est un « accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise. »

De son côté, la Cour de cassation a également proposé sa définition de l’accident du travail dans un arrêt rendu en avril 2003 : « Un événement ou une série d’événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l’occasion du travail dont il est résulté une lésion corporelle quelle que soit la date d’apparition de celle-ci. »

Qui est concerné ?

Les accidents du travail concernent tous les employés de l’entreprise, quels que soient le type de poste et la nature du contrat qui les lie à l’entreprise.

Quelles sont les conditions d’un accident du travail ?

Pour qu’un accident de travail soit reconnu, plusieurs conditions doivent donc être réunies :

  • L’accident du travail est survenu sur votre lieu et durant votre temps de travail.
  • Vous étiez placé sous l’autorité de votre employeur lorsque l’accident s’est produit.
  • L’accident était une action violente et soudaine à l’origine d’une lésion corporelle ou psychique qui n’apparaît pas forcément immédiatement.
    Lorsque ces conditions sont réunies, vous bénéficiez de la présomption d’accident du travail.

Différence entre accident du travail et maladie professionnelle

C’est le critère de soudaineté qui différencie l’accident du travail de la maladie professionnelle. Alors que l’accident du travail est soudain, la maladie professionnelle se caractérise par son caractère lent et évolutif.

Différence entre accident du travail et accident de trajet

Alors que l’accident du travail a lieu sur le lieu de travail ou en lien avec le travail, l’accident de trajet survient entre la résidence principale et le lieu de travail, ou bien sur le trajet entre le lieu de travail et celui où le salarié prend habituellement ses repas.

Lorsque l’accident ne relève ni d’un accident du travail, ni d’un accident de trajet, il s’agit d’un accident de droit commun.

Qu’entend-on par lésions ?

Les lésions résultant de l’accident du travail peuvent être corporelles ou psychologiques. Il peut donc s’agir d’une blessure physique mais les conséquences d’un harcèlement moral sont également reconnues comme étant des lésions.

Voici quelques exemples de lésions pouvant résulter d’un accident du travail :

  • Une coupure, une brûlure ou une blessure.
  • Une douleur musculaire due au port d’une charge lourde.
  • Une dégradation de l’audition provoquée par l’usage d’un outil bruyant.
  • Un choc émotionnel, conséquence d’une agression subie dans l’entreprise.
  • Une dépression constatée par le médecin traitant suite à un entretien d’évaluation ou une campagne de harcèlement.
  • Une sclérose en plaques déclarée après une vaccination imposée par l’employeur.

Les lésions peuvent apparaître de manière différée et non juste après l’accident. Il faudra alors démontrer le lien de causalité entre l’accident et la lésion.

Les cas spécifiques

Dans certains cas, la qualification d’accident du travail peut être écartée même si l’accident a lieu sur le temps et le lieu de travail. C’est le cas si l’accident est la conséquence de faits non professionnels. Exemples : un malaise cardiaque au travail du fait d’une pathologie préexistante et qui n’a rien à voir avec le travail, un accident survenu du fait d’un état d’ébriété de l’employé qui est donc lui-même en infraction, etc.

À l’inverse, même si l’employé ne se trouve plus sous l’autorité de l’employeur,l’accident du travail peut être reconnu lorsqu’il est établi que l’accident est le fait du travail. Exemple : le suicide d’un salarié à son domicile en conséquence de problèmes au travail.

Bon à savoir

L’accident est présumé d’origine professionnelle dès lors qu’il se produit dans les locaux de l’entreprise, même pendant un temps de pause. Le lieu de travail inclut les vestiaires, le parking, le restaurant ainsi que toutes les dépendances de l’entreprise.

Pourront être reconnus comme accident du travail des accidents survenus alors que vous étiez en voyage professionnel, en rendez-vous chez un client ou en stage de formation, même en dehors de votre temps de travail.

Que faire lorsqu’on est victime d’un accident du travail ?

De manière générale, un accident qui survient sur le lieu de travail doit être déclaré. La caisse de Sécurité sociale conduira ensuite une enquête et le médecin conseil estimera si la lésion est imputable à l’accident du travail ou non.

Une procédure à respecter

Ainsi, si vous êtes victime d’un accident du travail, il vous faut :

  • En informer votre employeur sous 24 heures en précisant le lieu et les circonstances de l’accident.
  • Obtenir de votre employeur une feuille d’accident du travail.
  • Consulter rapidement un médecin qui vous fournira un certificat médical initial et, si besoin, un arrêt de travail.
  • Transmettre à votre employeur le certificat d’arrêt de travail.
  • Envoyer le certificat médical initial et la feuille d’accident du travail de l’employeur au service *Accidents du travail de votre caisse d’assurance maladie.

Si la caisse ne répond pas sous 30 jours, l’accident est considéré comme reconnu d’origine professionnelle. Durant ce délai, la caisse peut mener des investigations en vous adressant, ainsi qu’à votre employeur, une notification d’enquête complémentaire, par courrier recommandé avec accusé de réception.

Par défaut, même si l’accident est présumé imputable au travail, vous pouvez tout de même d’emblée apporter des preuves du caractère professionnel de l’accident en faisant appel à des témoins ou grâce à des certificats médicaux. Cela vous permettra de gagner du temps.

L’indemnisation en cas d’accident du travail

Dans tous les cas, la reconnaissance du caractère professionnel d’un accident entraîne le versement d’indemnités et la prise en charge de la totalité des frais médicaux. En fonction de la gravité de l’accident et du type de séquelles qu’il entraîne, les modes et montants d’indemnisation varient considérablement.

En cas d’arrêt temporaire de travail

Lorsque l’accident entraîne un arrêt temporaire de travail et des soins médicaux, vous percevez des indemnités journalières versées sans délai de carence durant votre arrêt, c’est-à-dire dès le lendemain de l’accident et jusqu’à votre guérison. De plus, en présentant la feuille d’accident du travail remise par votre employeur, vous n’avez pas à faire l’avance des frais médicaux. Enfin, la journée au cours de laquelle est survenu votre accident est intégralement à la charge de votre employeur, elle n’est pas indemnisée par la Sécurité sociale.

En cas d’incapacité permanente partielle

Si vous conservez des séquelles de votre accident du travail et souffrez d’une diminution durable de vos capacités physiques ou mentales, la Sécurité Sociale détermine un taux d’incapacité permanente partielle (IPP) qui vous permet de percevoir une indemnisation.

Le taux d’IPP est fixé en se basant sur différents critères :

  • La nature de l’infirmité.
  • L’état de santé général.
  • L’âge.
  • Les facultés physiques et mentales.
  • Les aptitudes et qualifications professionnelles.
  • Les recommandations du médecin conseil.
  • L’avis éventuel du médecin du travail.

Le taux d’IPP peut être révisé en fonction de l’évolution de votre état de santé. Selon le taux d’IPP déterminé, l’indemnité peut être versée en une seule fois, sous la forme d’un capital, ou bien de manière régulière, sous forme de rente.

Si votre taux d’IPP est inférieur à 10 %, votre indemnité est forfaitaire.

1 % : 416,47 €
2 % : 676,90 €
3 % : 989,15 €
4 % : 1 561,20 €
5 % : 1 977,76 €
6 % : 2 446,16 €
7 % : 2 966,40 €
8 % : 3 539,11 €
9 % : 4 163,61 €

Si votre taux d’IPP est supérieur à 10 %, vous percevrez une rente jusqu’à votre décès.

Son montant est calculé sur la base de votre salaire annuel multiplié par le taux d’incapacité.
De plus, si votre état de santé vous contraint à recourir au service d’une infirmière ou d’une aide à domicile, vous avez droit au versement de la prestation complémentaire pour recours à tierce personne (PCRTP).

Le cas particulier de la faute de l’employeur

En cas de faute de votre employeur, vous avez droit à une indemnisation complémentaire.

La faute inexcusable de votre employeur

Elle est reconnue lorsque l’employeur avait conscience ou aurait dû avoir conscience du danger auquel vous étiez exposé mais qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour vous protéger.

Si elle est avérée, elle permet d’obtenir une majoration de la rente d’incapacité ainsi que la réparation intégrale des préjudices subis et non indemnisés par la rente (exemples : préjudices esthétiques, impacts sur la carrière et la promotion professionnelle, douleurs physiques, souffrance morale, etc.). La demande d’indemnisation et de réparation des préjudices doit être faite auprès de la Sécurité sociale. Il revient à l’employé de prouver la faute inexcusable de l’employeur.

La faute intentionnelle de l’employeur

Elle est reconnue lorsque vous pouvez prouver que votre employeur vous a volontairement causé des blessures (par exemple dans le cas de violences physiques). Il revient à l’employé de la faire reconnaître auprès du tribunal correctionnel afin d’obtenir une indemnisation spécifique.

De même, si l’accident résulte d’une faute commise par une personne extérieure à l’entreprise, vous pouvez demander la réparation du préjudice causé auprès du tribunal correctionnel (à moins que le préjudice ne soit indemnisé par la rente d’incapacité).

Que faire en cas de contentieux ?

Il peut arriver que les conclusions de l’enquête menées par la Sécurité sociale fassent débat, du côté de l’employeur comme du côté de l’employé.

Par exemple, l’apparition tardive des lésions de l’employé peut compliquer le fait de prouver le lien entre l’accident et lesdites lésions. De même, l’absence de témoin dans le cas d’un accident survenu dans un lieu isolé de l’entreprise peut amener à mettre en doute la version de l’employé. Il peut aussi arriver que l’employeur conteste la nature professionnelle de l’accident en avançant que les lésions sont le fait de problèmes personnels.
Enfin, vous pouvez également contester, tout comme votre employeur, le taux d’IPP défini par la caisse d’assurance maladie.

Dans chaque cas, une procédure impliquant des organes spécifiques existe.

Le contentieux général : est-ce bien un accident du travail ?

Lorsque la Sécurité sociale ne parvient pas à imputer l’accident à votre travail, votre recours est le contentieux général. Il se déroule devant :

  • La commission de recours amiable (CRA).
  • Le tribunal des affaires de Sécurité sociale, qui va statuer sur la reconnaissance ou non de l’accident du travail.
  • La cour d’appel et la Cour de cassation lorsque les deux premières instances n’ont pas réussi à statuer.

Le contentieux de l’indemnisation : comment l’accident du travail doit-il être indemnisé ?

Pour évaluer le montant de vos indemnisations, le litige est soumis au tribunal du contentieux de l’incapacité (TCI) qui détermine le taux d’incapacité permanente professionnelle (IPP). Si sa décision ne vous convient pas, vous pouvez faire appel devant la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail (CNITAAT).

L’expertise médicale

Lorsque le médecin conseil ne reconnaît pas l’imputabilité de l’accident du travail et qu’il est en désaccord avec le médecin traitant, le recours est l’expertise médicale. Le tribunal des affaires de la Sécurité sociale (TASS) peut alors demander une expertise médicale lorsqu’il est saisi par la victime. Le médecin conseil prend contact avec le médecin traitant de la victime pour désigner un expert dans les trois jours qui suivent :

  • La date de la contestation d’ordre médical.
  • La réception de la demande d’expertise de la victime.
  • La notification de jugement qui prescrit l’expertise.

L’expert ne peut pas avoir soigné la victime précédemment, ni être le médecin conseil, ni le médecin rattaché à l’entreprise. Il reçoit le protocole d’expertise établi par la Sécurité sociale et dans lequel sont exposés le litige, l’avis du médecin conseil et celui du médecin traitant. Il convoque également la victime afin de l’examiner et d’étudier son dossier. Les médecins traitant et conseil peuvent assister à l’entretien. L’expert rend son rapport dans un délai d’un mois.

Guérison et consolidation

  • La guérison d’un accident de travail suppose la disparition complète des lésions résultant de l’accident du travail.
  • La consolidation est constatée lorsque l’état de l’employé est stabilisé et qu’on ne peut plus attendre aucune amélioration ou aggravation des lésions.

Rechute d’accident de travail

Une rechute d’accident du travail doit réunir plusieurs conditions :

  • Elle doit intervenir après la guérison ou la consolidation.
  • Elle suppose un fait nouveau : aggravation de la lésion initiale, apparition d’une autre lésion en lien avec l’accident du travail.
  • Si vous avez signé un nouveau contrat de travail ou changé d’employeur, la rechute n’est pas caractérisée, sauf s’il existe un lien de causalité entre la rechute et les conditions de travail chez le nouvel employeur.
    En cas de rechute, le médecin traitant établit un certificat médical de rechute qui précise la nature des lésions constatées et la date de l’accident de travail.

L’accident du travail est redouté tant par les entreprises auxquelles cela peut coûter cher que par les employés qui peuvent en subir de lourdes conséquences à long terme. Si cela vous arrive, savoir à qui vous adresser et comment faire valoir vos droits est essentiel afin de pouvoir vous concentrer sur votre guérison ; cela étant dit, la protection et la sécurité en amont sont encore vos meilleurs atouts pour vous en prémunir.

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