Les secrets des marques pour un "come-back" réussi

25 ene 2019

6 min

Les secrets des marques pour un "come-back" réussi

« La mode n’est qu’un éternel recommencement »

La vie d’une marque de mode est faite de hauts et de bas. De jolis succès et de périodes moins fastes marquées par des crises économiques, des polémiques, des divergences artistiques ou des rachats malheureux. Pourtant aujourd’hui des marques que l’on avait (presque) oubliées refont parler d’elles. Alors comment faire revivre ces belles endormies ? Comment leur insuffler un vent de nouveauté sans les dénaturer ? Quels sont les secrets d’un “come-back” réussi ?

Stratégie nostalgie

Pour relancer une marque qui a déjà connu le succès, la clé est de faire revivre les bons souvenirs en revenant aux fondamentaux de la marque et à ses produits cultes. Pour Maximilien N’Tary, éditeur de la revue Le Closet, « la mode est cyclique. Il y a eu des marques très fortes dans les années 90, qui sont ensuite tombées en désuétude dans les années 2000. Aujourd’hui, les consommateurs qui les aimaient quand ils étaient adolescents veulent les porter à 30 ans. »

Même constat pour Fila, marque italienne fondée en 1911, qui après avoir disparue pendant plusieurs années, a réussi à atteindre 250 millions d’euros de chiffre d’affaires l’an passé. Pour Patrick Buffeteau, country manager France de Fila, qui avait déjà relancé Le Coq Sportif en 2005, l’ambition de la marque est simple: « re-séduire les consommateurs avec des produits qu’ils connaissent. » Le secret? Miser sur des collections originales alliant héritage et modernité avec l’histoire en toile de fond. Pour le shooting de l’une de ses dernières collections, la marque a d’ailleurs joué à fond le côté vintage en mettant en scène ses produits dans les rues de Biella, sa ville natale.

Tara Jarmon

Cap sur le digital

En juin 2014, quand ils reprennent La Redoute, alors en déclin, les co-présidents Nathalie Balla et Eric Courteille, décident, eux, d’abandonner leur mythique catalogue papier et de tout miser sur le digital. « Dès les années 2010, les rois de la fast fashion, tels que Zara, H&M ou Mango, ont commencé à faire tourner leurs collections toutes les six semaines, quand La Redoute livrait encore, deux fois par an, un catalogue de 1300 pages à ses clientes avec une offre figée. Il fallait en finir avec le “Big Book”, mais progressivement, afin de ne pas rompre le lien avec nos clients. Cette digitalisation nous a aussi permis de promouvoir de manière souple, rapide et efficace, nos nouveautés produit publiées tous les mois sur le site internet » ajoute Nathalie Balla.

Pari réussi puisque La Redoute est devenu en quatre ans un pure player du e-commerce réalisant plus de 95% de son CA sur le Web. Et pour continuer sa transformation digitale, la dynamique du e-commerce se joue à présent sur les réseaux sociaux avec plus de 60% du trafic sur smartphones et plus de 35% du CA généré via ce canal de vente pour la Redoute cette année. Selon Eric Courteille. « Même si les réseaux sociaux sont encore majoritairement une source d’inspiration, ils contribuent de plus en plus à la conversion grâce à de nouvelles fonctionnalités comme la fonctionnalité Shopping sur Instagram qui donne accès en un clic aux informations sur le ou les produits présentés, puis d’un second clic, permet d’être basculé sur le site de La Redoute. »

« Même si les réseaux sociaux sont encore majoritairement une source d’inspiration, ils contribuent de plus en plus à la conversion grâce à de nouvelles fonctionnalités comme la fonctionnalité Shopping sur Instagram. » - Eric Courteille, co-président de La Redoute

La Redoute

Changer de Direction Artistique

Une autre manière de relancer une marque en perte de vitesse est de faire appel à un nouveau directeur artistique comme l’a fait la marque Tara Jarmon en confiant en Mars 2017 cette mission à Colombe Campana. Repenser la collection, restructurer les équipes, réfléchir à une nouvelle image de marque, autant de challenges à relever avec créativité et pragmatisme. « Aujourd’hui, on ne peut pas travailler dans la mode sans avoir une approche commerciale. Pour moi, cela n’a rien de péjoratif, c’est même indispensable d’avoir une collection cohérente avec les envies des femmes d’aujourd’hui. D’où l’importance de bien connaître sa cible. La clé c’est d’avoir une vision réaliste de la femme, moins fantasmée. Quand j’imagine une collection et que je réfléchis à une hauteur de talon ou à une profondeur de décolleté par exemple, je pense à mes copines, aux femmes que je croise dans la rue, pour être au plus près du marché » confie Colombe Campana.

Moderniser une marque installée depuis 30 ans, c’est opérer une vraie révolution en terme de style certes mais également en terme d’image. Et pour séduire ces nouvelles consommatrices, la directrice artistique doit également veiller à ce que la communication soit en cohérence avec la nouvelle image de Tara Jarmon. Pour Colombe Campana, « les marques doivent aujourd’hui avoir du sens. Une très belle collection ne suffit plus, si on n’a pas une vraie histoire à raconter. Pour la saison Printemps-Été 2018 par exemple, nous avons imaginé le film Dolce Vita inspiré de l’univers de Wes Anderson pour raconter la collection. »

« Les marques doivent aujourd’hui avoir du sens. Une très belle collection ne suffit plus, si on n’a pas une vraie histoire à raconter. » - Colombe Campana, Directrice Artistique chez Tara Jarmon.

Tara Jarmon

Miser sur les collaborations

Pour parler à cette nouvelle génération, les marques peuvent également choisir la collaboration avec des marques, des lieux ou des personnalités influentes. La marque Champion a par exemple noué plusieurs partenariats avec d’importants acteurs e-commerce comme Asos, Zalando ou Mr Porter. Les collections capsules avec les concepts-stores ont également le vent en poupe comme le prouvent les associations gagnantes de Fila avec Urban Outfitters ou Champion avec le label danois Wood Wood. Les collaborations sont également l’occasion de toucher de nouveaux consommateurs comme en témoignent les partenariats réussis que La Redoute a pu créer avec Constance Gennari du site The Socialite Family, Sarah Lavoine ou encore les journalistes Carine Keyvan et Anne-Sophie Michat de Hellø Blogzine.

Associer sa marque à des personnalités en vogue tout en respectant son ADN, est d’ailleurs une nouvelle forme de collaboration qui permet de gagner en visibilité et d’asseoir sa présence sur les réseaux sociaux. Chez Tara Jarmon, les collaborations se font toujours avec des femmes inspirantes que Colombe Campana appelle « La Famille Tara ». Dans cette famille, on retrouve par exemple, Charlotte Husson, créatrice de la marque Mister K, Axelle Tessandier, ou encore Juliette Armanet que la marque accompagne depuis ses débuts. « Ce sont des filles qu’on ne choisit pas pour leur nombre de followers mais pour ce qu’elle représente. Ce sont des filles smart, inspirantes, de parfaites ambassadrices pour incarner notre nouvelle histoire. »

La Redoute

Repenser sa distribution

Pourtant pour redonner de la visibilité à une marque passée, l’écueil serait de tout miser sur le digital. Jouer la proximité pour faire la différence s’avère en effet très payant pour des marques comme Tara Jarmon qui ont l’avantage de posséder un réseau de boutiques contrairement aux marques qui débutent. Pour Colombe Campana, « le retail est d’ailleurs la nouvelle révolution à mener. Chez Tara Jarmon, on constate une baisse de trafic en boutique, le challenge aujourd’hui c’est de faire revenir nos clientes en magasin en leur proposant une vraie expérience. Je ne crois pas au 100% virtuel car la nouvelle génération est en attente de lieux de vente pensée comme des lieux de vie avec des évènements, des moments de partage. Une boutique où l’on se sent bien et dans laquelle on a envie de rester. »

La Redoute fait aussi le pari du retail en multipliant cette année les ouvertures de boutiques (15 magasins d’ici fin 2018) pour ces deux marques de décoration maison, La Redoute Intérieurs et AMPM, à Paris et en province. « Dans ces show-rooms connectés, nos clients peuvent venir toucher du doigt le rapport style/qualité/prix des produits, étudier les couleurs et les matières, vérifier les finitions. En fait, nous inventons un nouveau modèle qui conjugue le meilleur du commerce physique et du digital » souligne Nathalie Balla.

« Le challenge aujourd’hui c’est de faire revenir nos clientes en magasin en leur proposant une vraie expérience. Je ne crois pas au 100% virtuel car la nouvelle génération est en attente de lieux de vente pensée comme des lieux de vie avec des évènements, des moments de partage. » - Colombe Campana, Directrice Artistique chez Tara Jarmon.

La Redoute 

Faire le buzz

Dernière carte à jouer enfin pour faire parler d’une marque oubliée, c’est le buzz. En 2011, Adidas décidait d’arrêter la production de sa mythique Stan Smith. Mais 3 ans plus tard coup de théâtre, la célèbre basket est de retour. Officiellement, des fans mécontents auraient fait pression sur la marque aux trois bandes. Officieusement, un coup marketing magistral pour créer le manque et la désidérabilité d’un produit en déclin. Cette pénurie savamment orchestrée a été un vrai succès commercial et a contribué à faire de la Stan Smith, la chaussure la plus vendue au monde, avec plus de 70 millions de paires écoulées depuis sa création en 1964, selon le Guinness des records !

Faire revivre une marque, c’est finalement savoir s’imprégner de son histoire et réussir à la réinterpréter pour séduire les consommateurs d’aujourd’hui. Affirmer son passé pour mieux écrire son avenir, en somme.

Suivez Welcome to the Jungle sur Facebook et abonnez-vous à notre newsletter pour recevoir chaque jour nos meilleurs articles !

Photo cover @La Redoute