Comment l’acheteur contribue-t-il au succès d’un site e-commerce ?

26 jun 2017

6 min

Comment l’acheteur contribue-t-il au succès d’un site e-commerce ?
autor
Camille Montaz

Freelance Communication & Rédaction

Sens du contact & de la négociation, rigueur & passion pour les challenges, l’acheteur est un profil complet dont le rôle est clé dans les entreprises orientées « produit ». Sa mission ? Sélectionner et gérer au mieux les stocks d’une marque, et ainsi contribuer à son image globale. Selon l’industrie, le type de produits, le positionnement de l’entreprise et sa taille, le métier d’acheteur peut recouvrir des réalités diverses : achats en lots ou personnalisés, déplacements fréquents en showrooms / usines ou relativement occasionnels, négociations âpres ou plutôt douces… Mais quel que soit le cadre, l’acheteur doit incarner et comprendre parfaitement l’ADN d’une marque.

Dans le secteur de la mode, les achats ont connu un tournant : celui de la révolution e-commerce. Absence de vendeur, internautes volatiles et forte concurrence en ligne rendent les décisions de l’acheteur très stratégiques pour l’évolution d’une marque. Mais en quoi consiste réellement ce métier ? Qui sont les interlocuteurs de l’acheteur au quotidien ? Quelle importance pour la négociation et comment en devenir un expert ? Quelles sont les compétences requises pour être un bon acheteur et les outils à maîtriser ? Rencontre avec Constantin, 39 ans, Chef de marché fin de série et trade marketing chez Sarenza depuis début 2016, leader de la vente de chaussures sur Internet.

Avant-propos : entre luxe, mainstream et e-commerce, la diversité des achats

Le type de produits, l’industrie et le positionnement de marque influent beaucoup sur le métier d’acheteur. Dans le « mass market » (la mode mainstream), les volumes sont importants, ce qui donne à la négociation un rôle central pour permettre à l’acheteur d’acheter au meilleur rapport quantité / prix. Le luxe est beaucoup moins ouvert à la négociation sur le prix (déstockage mis à part). La distribution des produits est très sélective ce qui amène un niveau de négociation supplémentaire autour de l’image de marque, l’environnement de vente (espace, théâtralisation des produits etc). Mais quid de la différence entre achats pour des boutiques physiques et e-commerce ? Même si les fondamentaux du métier sont conservés, la grande spécificité du canal e-commerce concerne l’image du produit. L’acheteur doit faire attention à ce qu’on appelle l’e-merchandising : photogénie du produit et fiche produit très précise. Sans vendeur, le produit doit pouvoir parler de lui-même ! L’exemple de Sarenza) est manifeste : avec plus de 735 marques et 42 459 modèles, l’entreprise lancée en 2005 a un chiffre d’affaires de 250 millions d’euros en 2016, emploie plus de 275 personnes et est devenue leader de la vente de chaussures sur Internet. Un véritable succès connu pour son expérience-client sans égale sur Internet !

Le service achat : un pôle structuré, au coeur du produit

Au sein d’une petite marque, il y a en général un ou 2 acheteurs qui prennent en charge l’intégralité des produits. Dans une grande entreprise avec une diversité de produits sur un vaste marché, la segmentation est nécessaire. Chez Sarenza, les différentes divisions au sein des achats sont :

  • Ville, luxe
  • Maroquinerie
  • Casual sport
  • Fin de séries
  • Marques propres
  • Enfant

qui comprennent chacune des responsables de pôles. Un Directeur des achats chapeaute toute l’activité et réalise des points réguliers avec chaque division pour voir où en sont les négociations et vérifier les objectifs à tenir au global. Les achats travaillent aussi étroitement avec le pôle Comm / Marketing pour les lancement d’opérations, mises en avant de nouveaux produits, de ventes privées etc. Concernant l’évolution possible, voici le parcours classique d’un acheteur : assistant achat, acheteur, acheteur senior. Mais tout dépend de la politique de mobilité interne de l’entreprise. C’est la taille du portefeuille et donc du budget qui augmente petit à petit, ainsi que les responsabilités managériales.

Constantin, chez Sarenza depuis 2016, s’occupe des fins de série (et a aussi une casquette de Responsable Trade Marketing), que ce soit sur les marques casual sport, ville, luxe ou maroquinerie. Cela représente entre 150 et 200 marques sur une saison. Son travail au quotidien ? Aider les marques à écouler les fins de stock des saisons précédentes. Concrètement :

  • Manager l’équipe Fin de séries
  • Définir le budget du pôle
  • Accompagner les acheteurs de l’équipe dans les négociations

Illustration chez Welcome to the Jungle

Concrètement, face à une marque : comment se passe le processus d’achat ?

Selon le type d’entreprise, de secteur et de produit, l’acheteur effectue plus ou moins de visites terrain. Dans l’équipe « fins de série » de Constantin : 30% du temps est consacré aux contacts clients (téléphone, visites produit sur le terrain, visites showroom pour s’immerger dans les univers de marque, contact post-achat sur les performances).

Exemple : Adidas souhaite écouler un stock d’anciennes collections. L’équipe de Constantin les appelle pour obtenir le listing produit et l’état global du stock avec photos. Une négociation démarre pour fixer le prix auquel Adidas peut les vendre. L’enjeu étant pour Sarenza de les acheter le moins cher possible pour ensuite pouvoir faire le meilleur prix au client ! Ces produits s’adressent à des clients qui cherchent une bonne affaire « prix / marque », plus qu’un bien en particulier. La négociation est donc particulièrement importante ! L’équipe achats va ensuite sélectionner les produits dans le stock.

Plusieurs critères entrent en jeu dans la négociation avec la marque :

  • la visée de l’achat (nouveau produit, fin de série etc.)
  • l’image de la marque : si celle-ci est très demandée, le site de e-commerce a tout intérêt à l’avoir. Il pourra donc accepter des concessions différentes dans la négo.
  • le type de marque & la relation qu’a le site avec elle : si c’est une marque commandée régulièrement ou une toute nouvelle. Si le site travaille déjà avec la marque il va en effet regarde les performances des saisons passées.
  • la temporalité : l’achat peut se faire en temps réel / en cours de saison, ou très en amont (commandes de printemps / été pour l’automne)

Choisir les produits est très stratégique pour le site car cela participe à son image de marque ! Constantin : « Chez Sarenza nous sélectionnons tous les produits, il n’y a pas d’achats en lot ». Le choix final se fera sur : le prix, la matière, le modèle, la couleur, le chaussant (pour les chaussures)… toutes les qualités intrinsèques du produit !

La négociation : un élément-clé pour l’acheteur. Quelques conseils pour réussir !

Poser le cadre de la collaboration avec une marque dans le processus d’achat nécessite d’avoir recours à la négociation. Celle-ci peut prendre différentes formes : obtenir une décote sur le prix, négocier une action promotionnelle ou vente privée etc. Le seul « bagout » ne suffira pas pour faire une bonne négociation ! Les facteurs d’échec sont d’ailleurs le manque de préparation, une mauvaise compréhension des attentes de la marque, ou encore la précipitation du processus de négociation : « lâcher » trop vite.

Comment bien préparer sa négociation ?

  • Se fixer des objectifs en amont (prix, volume, etc.)
  • S’aménager du mou : jusqu’où on peut aller
  • Appréhender les problématiques de son interlocuteur pour pouvoir anticiper ses demandes et être en mesure d’y répondre. La négociation doit être un jeu gagnant-gagnant !
  • Se plonger dans l’ADN de la marque : consulter des historiques sur elle si c’est possible (en interne), essayer de comprendre sa stratégie.

Les meilleurs tips de Constantin pour réussir :

  • Faire parler la personne, toujours rester à l’écoute ! Penser « échange », jamais « unilatéral ». Faire de l’écoute active !
  • Répondre de manière spontanée pour rassurer l’interlocuteur et créer une discussion fluide
  • Ne pas fermer le jeu de négociation
  • Rester fort et ne pas se plier trop vite aux exigences de l’autre. Défendre ses propres objectifs !
  • Garder en tête qu’il est aussi possible de dire non ! Sachez rester dur en affaire.
  • Demander haut pour avoir un bon juste milieu
  • Ne pas perdre de vue que même si l’on parle de « jeu » de négociation, il est question de l’argent d’une entreprise, que l’on se doit de dépenser au mieux !

Pour vous améliorer, n’hésitez pas à demander l’aide d’experts autour de vous ou à vous renseigner sur les formations existantes !

Êtes-vous fait pour ce métier ?

« Être acheteur est un métier très riche, dans lequel on se nourrit des rencontres ! C’est très riche, on a accès à des interlocuteurs très différents, on voyage, on découvre des produits, des tendances. Il n’y a jamais de routine ! Par contre, déformation professionnelle ou pas, l’acheteur développe une fâcheuse habitude de tout voir trop cher et de tout négocier, dès qu’il peut :) » Constantin.

Ce métier devrait vous plaire si vous êtes :

  • sociable (avenant mais pas trop friendly) et avez des qualités de négociation (fibre commerciale, sens du contact)
  • structuré et très rigoureux
  • Réfléchi et plein de bon sens
  • à l’aise avec les chiffres et avec Excel !
  • avide de challenges
  • bilingue. Dans la mode l’anglais est indispensable pour parler avec les fournisseurs, maîtriser l’italien ou l’espagnol sont de vrais atouts

« Si le métier vous tente, il est important de bien choisir la structure dans lequel vous voulez vous investir ! Personnellement j’ai rejoint Sarenza parce que c’est une entreprise française et une marque bienveillante, qui a à coeur de prendre en considération le client (ce qui est de plus en plus rare dans la mode !). Ce sont des éléments à ne pas négliger car ils peuvent impacter directement le métier d’acheteur », Constantin.

Guide du vocabulaire de l’acheteur

  • Négociation
  • Décote (mark-down) : rabais obtenu
  • Stock : ensemble de marchandises disponible
  • Entrepôt : bâtiment logistique destiné au stockage
  • Marge commerciale / brute : différence entre le prix de vente HT et le prix d’achat HT auprès d’un fournisseur
  • Fin de série : stock des saisons passées restant aux marques
  • TSO = Taux de sortie : rapport entre les stock acheté et le stock vendu à un instant T
  • Taux de rebond : pourcentage de visites qui ont quitté directement le site après être entrées par une page donnée, sans faire d’action ni voir de seconde page
  • OTB = Open-To-Buy : budget d’achat (budget ouvert aux achats sur une saison)

Envie d’en découvrir toujours plus ? Julie Fonteneuse, acheteuse chez la marque de chaussures M. Moustache nous a aussi parlé de son métier, en vidéo : ici !

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Photo by WTTJ