Prise de parole en public : les 7 conseils d'un pro

01 oct 2018

8 min

Prise de parole en public : les 7 conseils d'un pro

Jambes cotonneuses, cœur qui s’emballe, mains moites, voix atone, nombreux sont ceux qui expérimentent de sérieux symptômes et signes d’inconfort lorsqu’il s’agit de prendre la parole devant 5, 20 ou 100 collaborateurs. Pourtant, maîtriser sa communication est un facteur de réussite déterminant en entreprise. Conférences de presse, entretiens d’embauche, soutenances d’appels d’offre et situations managériales requièrent une certaine maîtrise de l’art oratoire ou plus précisément de la relation avec son auditoire. Décryptage des mécanismes à l’œuvre dans la prise de parole en public avec Bertrand Vinson, soft skill trainer.

Humain, trop humain

Le besoin de reconnaissance

La peur de parler en public est largement répandue. Pour Bertrand Vinson, cette appréhension découle d’une question d’ego. Elle est fondamentalement liée à notre besoin naturel de reconnaissance et notre souhait d’être accepté(e)s, adoubé(e)s, écouté(e)s, compris(es)… Nous créons dès lors en réaction la peur de ne pas l’être. Si cette peur existe par la présence du public et dans son regard, Bertrand insiste sur le fait que l’attitude du public n’est pas déterminante dans le déclenchement de la peur. La preuve : nous pouvons trembler ou bégayer devant un public tout acquis à notre cause.

L’enjeu personnel

Pitcher dans des circonstances où il y a beaucoup d’enjeu personnel impacte lourdement notre ressenti. Selon ce que nous avons à gagner ou à perdre dans la situation, notre niveau d’appréhension varie. Représenter votre entreprise dans un congrès international, en anglais, devant le CEO et le gratin de la boîte au moment où vous visez de nouvelles responsabilités génère nécessairement plus d’anxiété que de mener le même pitch lorsque vous êtes démissionnaire et sur le point de quitter votre société. Comme le souligne Bertrand Vinson, « _quand notre avenir ou notre crédibilité se joue, quand nous nous obligeons à réussir, la peur s’en mêle. _»

« Quand notre avenir ou notre crédibilité se joue, quand nous nous obligeons à réussir, la peur s’en mêle »

Désamorcer les mauvais réflexes

Identifier ses automatismes

Bertrand Vinson explique que la peur de ne pas réussir, « comme toutes les peurs, va être gérée par notre cerveau qui va déclencher des mécanismes de défense automatisés, à savoir des réflexes ». Il identifie des réflexes de trois ordres :

  • La fuite
  • Le repli sur soi (c’est tout le danger de l’exercice)
  • L’ouverture aux autres (c’est la solution)

L’entraînement à la prise de parole en public consiste avant tout à prendre conscience des mauvais réflexes, les désamorcer et à en acquérir de nouveaux. Sortir de son appréhension, son speech, son enjeu pour entrer en relation et en conversation avec son auditoire.

L’écueil de la priorité au texte

L’erreur commune, selon Bertrand Vinson, serait de se précipiter dans le texte, de se concentrer sur ce qu’il y a à dire avant même de créer le contact. Ce qu’il appelle « le repli sur soi » mais aussi « le repli sur nos pensées » ou le « repli dans notre tête ». Il explique justement que « lorsque nous avons peur dans une situation de prise de parole, notre cerveau nous amène souvent à nous concentrer exagérément sur ce qui est à dire, à nous précipiter dans le texte, à nous cacher derrière les mots. _» Et c’est là l’écueil à éviter. « _Habituellement, en situation sociale, ce que nous vivons avec les autres, ce sont des moments de relation. Ce qui est au cœur du moment, c’est la relation, pas ce qui se dit. _» Ainsi, parler ou échanger devient un acte naturel et sans enjeu : « _ne pas être en capacité de répondre à une question, dire non, affirmer un désaccord, rien de tout cela n’est un problème. »

Quand nous faisons une priorité de « parler », notre cerveau cherche inéluctablement ce qui doit se dire après, il « s’inquiète de manquer de “stock” et se met à chercher de l’information d’avance. » Et c’est là que nous perdons nos moyens. Nous cherchons désespérément l’information dans nos notes, sur le power point, nous bégayons et notre respiration s’inverse : nous respirons dans le haut du corps au lieu de respirer par le diaphragme comme nous le faisons naturellement. Bertrand Vinson montre que c’est la mauvaise respiration qui entraîne la plupart des effets indésirables bien connus des frileux de la prise de parole en public : hypo-oxygénation, tensions musculaires, tremblements des jambes ou des mains, sensations de chaleur ou de froid, rougeoiement, transpiration, élocution erratique, trous de mémoire…

« En essayant ainsi de contrôler ce qui est à dire, nous ne nous occupons plus de l’essentiel : l’auditoire, et son confort ou plaisir d’écoute. »

Le faux rempart : les notes

Est-ce que les notes peuvent nous aider dans l’exercice ? Très peu malgré le réflexe absurde des « fiches ». Arriver avec un paquet d’A4 ou un PowerPoint surchargé, c’est courir à la catastrophe. On se rassure dans le texte, on cherche, on lit, on devient monotone, on oublie de regarder ce qui se passe en face. Or, Bertrand Vinson, rôdé aux pitch en tous genres, est catégorique : « On prend du plaisir à écouter quelqu’un parce qu’il se passe quelque chose dans l’interaction. »

« On prend du plaisir à écouter quelqu’un parce qu’il se passe quelque chose dans l’interaction. »

En revanche, une préparation à la prise de parole est importante et nécessaire. Il est recommandé de structurer son discours autour des idées clés et des questions que se posent l’auditoire. Une fois le speech construit, intégré, répété, pourquoi pas s’octroyer le droit à un memo : un bristol avec les chiffres clés, la structure et l’anecdote à ne pas oublier.

La solution ? S’entraîner à gérer la relation

1. Installer la relation

Pour ne pas tomber dans le piège de la priorité au texte, il faut entraîner les bons réflexes. Bertrand Vinson identifie 3 paramètres situationnels déterminants dans cette gymnastique : l’Autre, le Temps, l’Espace. Il souligne avec humour que « la seule difficulté dans la prise de parole en public, c’est le public. » Il s’agit alors de « faire de l’autre le partenaire qu’il ne devrait jamais cesser d’être ». Quand on est centré sur l’autre, on est spontanément écouté. « La relation, elle est chez l’autre. C’est tout juste si on ne confond pas parler et communiquer ». Ainsi, le contenu est très secondaire et le gros du discours se joue dans l’interaction avec votre public : « l’attention que vous allez lui porter, la façon dont vous allez le regarder, prendre le temps d’établir un lien de qualité avec lui ».

« La seule difficulté dans la prise de parole en public, c’est le public. »

Pour faciliter la relation, supprimez le “je” de votre pitch. L’auditoire a envie d’être entendu, compris, de se sentir concerné. C’est dans cette perspective qu’il faut structurer le discours : répondre aux interrogations de l’auditoire, relier l’intervention à son existence, emprunter son prisme de lecture, parler son langage. Ainsi, préférez un “VOUS” au “JE” et évoluez vers des “NOUS” pour créer une communauté de pensée et réduire cet espace qui vous sépare de l’auditoire.

2. Commencer par se taire

Avant chaque prise de parole, il y a cette peur lancinante. Vouloir s’en affranchir est une vaine entreprise. Les sportifs de haute volée et les artistes sont formels ; la pression et le trac ne s’évaporent jamais tout à fait mais s’ils sont bien gérés, ils peuvent s’avérer être de précieux fertilisants pour mobiliser ses moyens, se sentir pleinement concerné, se centrer et prendre le chemin de la performance.

Cela peut sembler paradoxal, mais « la première chose à faire quand vous prenez la parole en public, c’est de vous taire » affirme-t-il. Il convient de prendre quelques secondes pour gérer ce que l’on reçoit, comprendre l’état dans lequel cela nous plonge, ressentir l’écoute de l’auditoire, chercher le regard voire le sourire de deux ou trois personnes dans l’assistance.

« La première chose à faire quand vous prenez la parole en public, c’est de vous taire »

3. Définir son rythme

Une fois le premier contact avec l’auditoire établi (silencieusement), il faudra gérer le paramètre temps. Bertrand Vinson le définit ainsi : « le temps, c’est le temps de la parole et le temps du silence, c’est le rythme dans lequel vous êtes. » Pour maîtriser son rythme et sa respiration, il recommande de « trouver le calme dans les tout premiers instants de la prise de parole, démarrer par trois ou quatre phrases très courtes et de respirer entre ces phrases, si possible en respiration diaphragmatique (ventrale). » Sa botte secrète pour se régler ? Imaginer que son auditoire est malentendant. Tous doivent lire sur vos lèvres. Vous allez donc devoir leur parler lentement, distinctement, et ne pas leur en dire trop à la fois pour ne pas les perdre. « _N’ayez pas peur de prendre votre temps. Si vous faites cet effort, vous allez vous concentrer non pas sur ce que vous dîtes, mais sur votre auditoire et son confort d’écoute. _» En se décentrant ainsi, on s’oublie dans la situation, seul l’auditoire compte et la peur s’envole, explique Bertrand Vinson.

« N’ayez pas peur de prendre votre temps. Si vous faites cet effort, vous allez vous concentrer non pas sur ce que vous dîtes, mais sur votre auditoire et son confort d’écoute. »

4. Être expressif

Le troisième appui pour gérer la relation ? L’espace. Celui qui vous sépare de l’auditoire. Pour Bertrand Vinson, « _la responsabilité, en tant qu’orateur, est de réduire cet espace, d’amener l’auditoire à soi. _» L’auditoire peine à se concentrer plus de 90 secondes et souhaite être dans le confort et le plaisir d’écoute. Le rôle de l’orateur est de créer les conditions de ce confort en lui prêtant une extrême attention pour s’ajuster en conséquence.

Bertrand Vinson détaille trois approches à adopter et intégrer dans sa gestuelle selon ce que vous observez chez vos interlocuteurs. Vous pourrez aller chercher leur écoute, la soutenir, ou les ouvrir à vos propos. Comment faire parler vos mains et vos bras ?

  • Pour « aller chercher » l’attention, accompagnez votre discours d’un geste de la main ouvert vers votre auditoire. C’est le geste qui vient spontanément quand vous voulez obtenir l’écoute de quelqu’un et que vous lui dîtes « mais écoute ! »
  • Pour « soutenir » une attention un peu mollassonne, imaginez que vous soulevez un objet de trente centimètres avec vos deux mains depuis le niveau de votre nombril jusqu’au niveau de votre sternum. Vous relevez littéralement le niveau d’attention et d’écoute. Ce geste physique s’accompagne assez naturellement d’un haussement de la voix, d’un accent tonique.

Enfin, si vous êtes face à quelqu’un de mal à l’aise ou de très fermé, vous allez pouvoir « ouvrir » les mains depuis votre sternum vers l’extérieur. C’est ce que vous faîtes naturellement lorsque vous dites à quelqu’un « allez, c’est pas grave, détends-toi ! » Bertrand Vinson définit ces gestes qui n’en sont pas comme « _des intentions, autant d’efforts conscients pour aider l’autre à vous suivre, à vous prêter plus d’attention plus longtemps. _»

5. Travailler sa posture et sa respiration

La posture et la respiration sont également déterminantes. C’est physiologique, plus on se tient droit et plus l’air circule. Pour que la voix résonne, on tient son dos et sa sangle abdominale en évitant de tendre le menton vers l’avant. La métaphore de Bertrand Vinson ? Agir « non pas comme une canne à pêche mais plutôt comme un aimant. »

Et pour placer sa voix ? Il faut travailler la respiration diaphragmatique dite ventrale. « La plupart du temps, si la voix ne sort pas, c’est parce que les gens ne respirent pas » explique Bertrand Vinson. Avec le stress, la respiration s’inverse et la voix, mal placée, devient atone. On s’entraîne donc à respirer avec le ventre.

« La plupart du temps, si la voix ne sort pas, c’est parce que les gens ne respirent pas »

6. Ne parler qu’à une seule personne à la fois

Le soft skill trainer aguerri au pitch souligne un point très important : « Rien de tout cela n’est possible si vous parlez à tout l’auditoire, à une masse de 10, 100, 1000 personnes, en même temps ». Non seulement c’est très anxiogène, mais vous courez le risque de vous perdre. Pour mettre de l’intention dans son propos, la solution, c’est de parler à une seule personne à la fois. « Chaque phrase ou chaque bout de phrase entre deux respirations doit être adressé à une personne clairement identifiée au milieu de la foule. » Comme le détaille Bertrand Vinson, rien ne vous empêche de changer de point d’appui à chaque respiration, d’aller chercher des partenaires à gauche, au centre, à droite, mais c’est toujours un seul point d’appui à la fois.

« Chaque phrase (…) doit être adressé à une personne clairement identifiée au milieu de la foule. »

7. Mais embrasser son auditoire

Il faut parler à une personne à la fois mais veiller, à la façon d’un bon gardien de football, à conserver un bon angle pour « enfermer » son auditoire, l’embrasser du regard. Certains préconisent de bouger pour occuper l’espace mais Bertrand Vinson met en garde contre cette tendance : « voir quelqu’un bouger non-stop, c’est épuisant et cela peut être très vivant depuis un point fixe. »

« Voir quelqu’un bouger non-stop, c’est épuisant et cela peut être très vivant depuis un point fixe. »

Pour Bertrand Vinson , la performance oratoire relève plus du comportement que du discours. Comme il le souligne, « des gens peu instruits, peu éloquents parviennent à créer des moments de grâce ». S’il n’y avait qu’une chose à retenir : la magie opère dans la qualité de la relation. Il faut créer de l’écoute et de l’empathie avec son auditoire pour pouvoir lui parler, l’envoûter et surtout bien communiquer.

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Photo by WTTJ

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