Travail le dimanche : une question qui divise

04 oct. 2019

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Travail le dimanche : une question qui divise
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Le dimanche, c’est repos ! Ou pas… Véritable enjeu sociétal et économique, nous sommes tous concernés, employés ou clients, par la question du travail dominical. Dernière agitation en date à ce sujet, la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, communément appelée “loi Macron”, adoptée en 2015. La question du travail le dimanche reste un sujet brûlant en France : entre la relance de l’économie et la préservation de la vie familiale et sociale, où en sommes-nous ?

Le dimanche, on se l’arrache

En 2015, une étude d’Odoxa et du Parisien indiquait que 68% des Français étaient favorables à l’ouverture des commerces le dimanche… mais 53% préféraient ne pas travailler eux-même le dimanche ! Jour de repos, jour familial, jour de vote ou encore jour de shopping, sa perception diffère selon les points de vue et surtout, les époques…

Étymologiquement, le mot “dimanche” vient du latin “diès dominicus”, le jour du Seigneur. Ce temps de repos et de messe pendant plusieurs siècles, tire en effet ses origines du christianisme. Très probablement pour s’adapter aux mœurs les plus répandues, l’empereur romain Constantin Ier instaura le repos dominical le 7 mars 321. C’est en partie à cause de ses origines religieuses qu’après la Révolution Française, en 1789, il fut supprimé. Napoléon justifia cette abolition du repos dominical par cette phrase : «  Le peuple mangeant le dimanche, il doit pouvoir travailler le dimanche  », soulignant ainsi que, pour subvenir à ses besoins, chaque jour le peuple doit travailler.

Rétabli en 1814 par Louis XVIII, il a été à nouveau travaillé en 1880, mais peu de temps puisque dans les années 1890, les employés de grands magasins et les coiffeurs manifestent avec la CGT pour réduire le temps de travail. La classe ouvrière est également à bout. Il faudra attendre le 13 juillet 1906 pour obtenir gain de cause : l’État promulgue une loi imposant un repos hebdomadaire de vingt-quatre heures et ce, le dimanche.

La loi Macron a relancé les débats sur le travail dominical

Depuis les années 1980, avec la libéralisation de l’emploi, la question du dimanche travaillé se pose à nouveau. La loi Macron de 2015 ajoute de nouvelles possibilités pour les commerces de déroger à ce jour de repos. Cette nouvelle avancée dans la démocratisation du travail le dimanche suscite de vives critiques de la part des syndicats salariés. Ainsi, dans les débats publics, les uns sont pour le droit au travail et la flexibilité, tandis que les autres prônent le droit au repos des salariés et à la cohésion sociale, et pour cause, un même jour de repos pour tous qui permet de se retrouver.

À l’occasion de la loi Pacte, en 2018, des députés La République En Marche expliquaient vouloir aller plus loin dans l’assouplissement de la loi : « L’ouverture dominicale est avant tout un enjeu sociétal qui correspond à l’aspiration des Français : être libre d’acheter, de se divertir, de travailler ou non le dimanche. »

Ce à quoi la CGT a répondu dans un communiqué : « Ils veulent nous faire croire que ça se bouscule au portillon de l’employeur pour travailler le dimanche, nous invitons ces députés à essayer de vivre avec 800 euros par mois et nous verrons s’ils ne courront pas eux-mêmes pour travailler le dimanche. »

Quant au syndicat Force Ouvrière, il réplique également en dénonçant une banalisation du travail dominical : « Encore une fois les députés LREM se moquent des conditions de travail des salariés qui sont la plupart du temps des femmes avec des temps partiels subis, des travailleurs pauvres et corvéables qui sont contraints par leur employeur de travailler le dimanche sans compensation avec un risque de licenciement en cas de refus ». En mai 2019, deux employés d’un supermarché Cora en Ile-et-Vilaine, ont été licenciés pour avoir refusé de travailler le dimanche. Pourtant, les entreprises licenciant les salariés sous ce motif pourraient se voir infliger une amende, voire la cessation de leur activité…

Une question sociétale, une vision du monde

Pour pouvoir contourner l’article L.3132-13 du Code du travail interdisant aux salariés de travailler après 13 heures dans les commerces de détail alimentaire (hors dérogations), certains supermarchés ouvrent désormais le dimanche sans hôte/hôtesse de caisse et font appel à des prestataires pour les vigiles et les animateurs/animatrices de caisse. À Angers, le 25 août 2019, le premier hypermarché à adopter ce concept a vu se réunir des opposants à la robotisation des emplois. « On combat cette vision du monde de la consommation à outrance que le patronat veut imposer à la société française », a expliqué Jean Pastor, le délégué syndical central pour la CGT du groupe Casino, à Franceinfo.
Le dimanche pose en réalité une question plus profonde et sociologique : a-t-on besoin d’avoir la possibilité d’acheter à n’importe quelle heure et n’importe quel jour ?

Les débats continuent en France et ailleurs

Des voix s’élèvent pour contester ces choix économiques de libéralisation du travail le septième jour de la semaine. Tout d’abord, les petits commerces indépendants auraient plus de mal à trouver un équilibre financier et ne font pas particulièrement plus de chiffre d’affaires le dimanche selon un rapport de la Chambre du Commerce et de l’Industrie à Paris. Ainsi, cette libéralisation profiterait plus aux grands groupes qu’aux petits commerces.

Certains de nos voisins font le chemin inverse, et privilégient le plan familial et social des individus : Luigi Di Maio, le ministre du Travail italien, devrait revenir sur la réforme de 2012 qui permet aux commerces d’ouvrir cinquante deux dimanches par an. Quant à la Pologne, elle a tout simplement interdit le travail dominical commerçant depuis début 2018. De l’autre côté de l’Atlantique, les États-Unis ont quant à eux décidé de n’imposer aucune restriction aux commerces qui peuvent ouvrir sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

L’impact sur l’environnement pourrait être un nouvel axe à considérer dans cette question : ouvrir le dimanche impacterait la consommation, accroîtrait l’utilisation des moyens de transports et donc l’énergie consommée. Si la question du travail le dimanche divise, elle semble surtout faire remonter à la surface des problèmes sociétaux qui la dépassent.

Photo d’illustration by WTTJ

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