L’intrapreunariat : quand l’innovation vient de l’intérieur

22 déc. 2017

6min

L’intrapreunariat : quand l’innovation vient de l’intérieur
auteur.e
Cécile Nadaï

Fondatrice de Dea Dia

L’intrapreunariat se développe de plus en plus et semble s’imposer comme une nouvelle forme d’entrepreunariat qui bénéficie à tous : les entreprises qui innovent à moindres frais, les salariés qui entreprennent à moindre risque. Mais qu’est-ce, concrètement, que l’intrapreunariat ? À quels enjeux permet-il de répondre ? Comment fait-on concrètement pour intraprendre ?

Pour tout savoir, nous avons rencontré Clémence Duboscq, co-fondatrice de Corporate for Change, qui accompagne ses clients dans leur besoin de changement, notamment grâce à l’intrapreunariat.

L’intrapreunariat en quelques mots

L’intrapeunariat consiste à favoriser la création de projets innovants par les salariés dans leur entreprise, avec le soutien de la direction. Il s’agit donc d’offrir aux collaborateurs la possibilité de développer leurs idées pour les transformer en une activité à part entière au sein de la structure.

Le concept d’intrapreunariat ou intrapreneurship est né dans les années 70 aux Etats-Unis. Gifford Pinchot, entrepreneur, inventeur et créateur de la Pinchot & Company, fut le premier à utiliser ce terme en 1978 qui va très vite prendre de l’importance et permettre à des projets ambitieux et des produits innovants de voir le jour.

L’intrapreunariat, un levier au service de grands enjeux

Selon Clémence, l’intrapreunariat peut être intéressant pour des entreprises qui ont 3 types de besoins exprimés :

  • Le besoin d’innovation : les entreprises ont besoin de trouver des relais de croissance, des nouveaux métiers, de nouvelles idées. Or, on constate que cela vient de moins en moins de la R&D. Dès lors, comment trouver de nouvelles façons d’innover ?
  • Le besoin de sens : une entreprise a besoin de collaborateurs engagés, or certains chiffres montrent que seuls 11% des gens sont réellement engagés dans l’entreprise. La majorité ne se sent pas vraiment impliquée, se contentant de faire son travail, sans plus, et une autre minorité est même désengagée. Comment permettre aux employés de trouver du sens dans leur travail ?
  • Le besoin de talents : une entreprise a besoin de talent pour se développer. La question est : comment faire pour activer les talents présents dans la structure, comment les retenir et comment en attirer de nouveaux ?

Pour Ticket for Change, l’intrapreunariat et l’intrapreunariat social peuvent être un levier au service de ces 3 enjeux et au service de la personne dans l’entreprise.

Quelques exemples emblématiques

Le post-it

Dans les années 70, un employé de la société 3M crée par erreur un adhésif qui colle sans coller. Il fut laissé de côté jusqu’à ce qu’Arthur Fry, un employé de la même entreprise, cherche un moyen de marquer les pages de ses partitions de chorale sans les abimer. Il reprend l’invention de son collègue et la retravaille au sein de la société qui les emploie. Quelques années plus tard, en 1981, le post-it est commercialisé.

La playstation

Ken Kutaragi, ingénieur chez Sony, réalise, en observant sa fille jouer à la Nintendo, qu’il pourrait améliorer l’expérience de jeu en augmentant la qualité sonore de la console. Après avoir longuement insisté auprès de sa hiérarchie d’abord réfractaire, il y travaille en parallèle de ses missions habituelles et crée finalement la Playstation sortie en 1994.

Les atouts de l’intrapreunariat

L’entreprenariat fait rêver. Aujourd’hui, on estime que 50% des jeunes diplômés rêvent de créer leur propre entreprise. Or, ces personnes n’ont pas toujours la possibilité et les moyens financiers d’entreprendre. La preuve, « une étude démontre que 94% des gens veulent passer à l’action, mais seuls 20% le font », nous précise Clémence.

En parallèle, l’innovation est plus que jamais au coeur des process de l’entreprise, en témoigne le succès de méthodes Agile, Lean (en savoir plus ici), etc. qui visent à libérer la créativité des salariés pour faire progresser l’entreprise. Dans ce contexte, l’intrapreunariat semble donc être une solution idéale pour tout le monde.

Les bénéfices pour l’entreprise

Profiter d’une capacité d’innovation inexploitée

Les salariés d’une entreprise sont souvent les mieux placés pour l’améliorer. Or, beaucoup de dirigeants ignorent la capacité d’innovation de leurs salariés et l’intelligence collective qu’elle peut engendrer. L’intrapreunariat permet d’exploiter cette véritable manne, d’optimiser des process, de créer des produits ou services innovants, en se basant sur des ressources existantes.

Développer la culture d’innovation


En offrant à certains salariés la possibilité de développer leur propre activité, on valorise la prise d’initiative et on encourage donc chaque salarié de l’entreprise à faire de même, à laisser s’exprimer sa créativité. Parce que la liberté est contagieuse, l’intrapreneuriat modifie la culture de l’entreprise et diffuse la culture de l’innovation auprès de tous les employés.

Motiver ses salariés


L’innovation est une source de motivation pour les salariés d’une entreprise, tout comme le fait de se sentir reconnu et valorisé. Lorsqu’une entreprise favorise l’intrapreunariat, elle inspire confiance et fierté à ses employés qui, en échange, seront plus motivés et engagés.

Les bénéfices pour le salarié

Entreprendre à moindres risques

L’intrapreneur prend des risques limités puisque c’est son entreprise qui finance son projet. Il conserve son salaire pendant qu’il développe son entreprise, ce qui n’est pas le cas d’un entrepreneur classique. C’est donc une manière de développer sa propre entreprise dans un cadre rassurant et confortable.

Bénéficier d’un appui et de ressources

L’intrapreneur bénéficie de toutes les ressources nécessaires à la réalisation de son projet à portée de main ainsi que d’un entourage professionnel bienveillant, à même de le conseiller et de le soutenir. Ce sont des atouts qui font défaut à nombre d’entrepreneurs.

Se créer de nouvelles perspectives d’évolution


Créer son entreprise dans son entreprise, c’est un excellent moyen de se fabriquer un plan de carrière sur mesure puisque cela consiste, en quelque sorte, à créer son poste de demain !

Les grands freins à l’intrapreunariat

En 2015, 28% des entreprises dans le monde accueillaient des projets intrapreunariaux. En France, seules 37% des entreprises y ont recours. Mais alors, pourquoi ce concept qui semble n’avoir que des atouts n’est pas plus généralisé ?

La peur du risque

Entreprendre, même en interne, cela comporte toujours une part de risque. Une idée peut ne pas aboutir, ne pas fonctionner, le salarié peut ne pas être à la hauteur des enjeux… Il en résulte une peur qui constitue bien souvent un frein à l’intrapreunariat.

« Côté intrapreneur, il y a la peur d’un échec décridibilisant et le complexe de l’imposteur : pourquoi moi je suis légitime ? Parfois même, ce sont ses collègues qui le lui font ressentir. Il faut donc l’aider à dépasser ces complexes. »

La résistance au changement

Plus une entreprise est grande, plus ses process sont complexes. Or, l’intrapreunariat nécessite de faire preuve d’ouverture et de flexibilité car certains projets peuvent aboutir à une remise en question profonde du positionnement et de la structuration de l’entreprise.

« Si la direction veut un changement et le permet, c’est déjà un indicateur qui va faire que les gens vont s’autoriser à bouger ou changer les choses. Malgré tout, les projets d’intrapreunariat peuvent être mal vécus par le Middle-Management qui voit ça comme une menace. Il y a alors un travail pédagogique à faire pour bien cadrer le périmètre du projet, réduire la part d’inconnu qui lui fait peur, lui montrer ce que ça peut lui apporter de positif. »

La rencontre de 2 cultures qui s’opposent

Alors que l’intrapreneuriat favorise l’autonomie, la prise d’initiative et le risque, le management traditionnel a tendance à valoriser le respect de la hiérarchie et des règles établies ainsi qu’un contrôle strict des dépenses. La rencontre de ces deux cultures n’est pas toujours simple.

« Une partie de notre travail concerne la politique. Il s’agit de permettre à l’intrapreneur de venir à bout des peurs de chacun, apprendre à fédérer, s’entourer des bonnes personnes, savoir à qui s’adresser, savoir pitcher son idée pour convaincre. »

La trop grande pression

On a trop tendance à assimiler innovation et révolution. Pourtant, le changement prend du temps. Il faut s’autoriser à aller doucement. Commencer par changer des petites choses.

« Il faut rêver grand, mais agir maintenant en commençant petit. Car vouloir tout changer d’un coup, c’est risquer de ne jamais se mettre en mouvement, tant la pression est grande. »

L’absence de liberté

Contrairement à un entrepreneur, l’intrapreneur n’est pas seul à prendre des décisions. Il doit prendre en compte l’idée, les avis et le temps des autres acteurs de son entreprise, en particulier sa hiérarchie.

« L’intrapreneur est moins maître du timing que l’entrepreneur : il a un job à côté, il y a des blocages en interne, il attend des validations, il subit les décisions de sa hiérarchie et les divergences de point de vue, ça peut être difficile à vivre pour lui. »

Mais alors, comment faire pour intraprendre ?

Pour venir à bout de ces obstacles, Ticket for Change accompagne les entreprises dans leur besoin d’intraprendre grâce à des programmes spécifiques qui peuvent aller de la sensibilisation à des programmes d’accompagnement plus longs.

« On peut accompagner des personnes qui ont juste l’envie de passer à l’action, ou des gens qui ont déjà une idée précise de leur projet. Notre rôle consiste à faire émerger la créativité. »

Pour cela, un programme en 3 phases est appliqué :

    1. Phase d’inspiration : observer ce qui se fait en interne mais aussi ailleurs, pour mener les gens à penser out of the box.
    1. Phase d’introspection : réfléchir à ce dans quoi je suis bon, ce que j’aime faire, quelles problématiques me tiennent à coeur, ce qui est important pour mon entreprise, et comment me positionner par rapport à tout ça.
    1. Passage à l’action : donner des outils souvent issus du monde des start-up, comme le design thinking (pour en savoir plus c’est ici et avoir un exemple c’est ici), le lean start-up qui permettent de passer vite à l’action sans s’enliser sur des projets nécessitant plusieurs mois de développement, ce qui pourrait être décourageant.

« On n’a encore jamais eu de programme qui soit un échec, à l’issue duquel rien ne s’est mis en mouvement et rien n’a changé. Malgré tout, il faut rester humble : on infuse des idées, on met les gens en mouvement mais l’innovation et le changement, ça prend du temps, il faut être patient. »

Pour qui sait s’adapter et évoluer, l’intrapreunariat peut donc être un atout majeur. À l’avenir, savoir intraprendre deviendra probablement une nécessité pour toutes les entreprises, lancées malgré elles dans une course à l’innovation de plus en plus intense.

Notre expert : Clémence Duboscq, co-fondatrice de Corporate for Change, la filiale de Ticket for Change dédiée aux entreprises.

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