Le premier job, déterminant pour ma carrière ?

06 déc. 2017

7min

Le premier job, déterminant pour ma carrière ?
auteur.e
Nora Leon

Communications & content manager

« Il faut avoir l’état d’esprit et les soft skills qui permettent de se décloisonner. »

C’était écrit dans l’ADN de votre ami d’enfance qu’il serait chirurgien. Vous, en revanche, aviez des envies éclectiques. Vous aimez les gens, et pourriez être commercial ou chargé de relation clientèle. Mais vous êtes aussi le matheux de la bande et hésitez entre de la finance et de l’analyse de data. Et puis, vous êtes aussi passionné par les marques mais ne savez pas si vous voudriez faire de la communication, du marketing ou du conseil dans le digital…

Mais alors comment choisir son premier job ? Est-ce un passeport pour un métier unique que vous exercerez ad vitam aeternam ou bien aurez-vous le droit de bifurquer par la suite ? Pour faire le point, nous avons rencontré Alexandra Gaudin, Directrice des Ressources Humaines chez Australie, une agence publicitaire. Auteure du livre Pour une fonction RH inspirante, Alexandra prêche en faveur de la transformation profonde du secteur et explique comment, depuis cinq ans, les choses ont déjà bien changé.

Le constat : historiquement, un premier job déterminant

Nous ne vous apprenons rien, les générations précédentes avaient des parcours souvent linéaires. L’expérience demandée pour un second poste était corrélée à la première.

C’est encore le cas aujourd’hui dans certains secteurs : en Conseil, les plus grandes entreprises recrutent rarement hors de certaines écoles et favorisent les parcours clairs et linéaires ; en Finance, il faut avoir réalisé tous ses stages dans le secteur ; en Droit, vous ne pouvez pas changer de spécialité car tout est très vertical, etc. Il est donc probable qu’il y ait peu de changements dans ces secteurs où la technicité est grande et les compétences très spécifiques.

En revanche, un premier job est moins déterminant si la technicité est moindre et que vos missions peuvent s’apprendre “sur le tas”, par exemple dans des métiers de gestion de projet ou de management, où l’on voit plus fréquemment des gens passer de fonctions commerciales au marketing, à la communication ou au support client. Cependant, même dans le secteur de la publicité, certains pré-requis ont la dent dure, comme le note Alexandra : « Certains recruteurs pensent que si vous avez commencé chez un annonceur, passer en agence sera difficile (lire l’article Agence VS annonceur, comment choisir ?), et de même, si vous avez commencé dans le secteur du luxe, vous devrez y rester. »

Cependant, les attentes et pratiques des nouvelles générations Y et Z changent la donne. Alexandra nous explique donc en quoi les stratégies et les critères de recrutement ont évolué.

Les attentes des candidats et les critères des recruteurs en pleine mutation

Une quête de sens

« Ce n’est pas ce que je voulais, je ne suis pas fait pour ce métier. » C’est ce qu’un collaborateur d’Alexandra lui a avoué après un an dans son premier poste dans la pub’. Alors, il a démissionné, tout simplement. Pour Alexandra, c’est l’exemple parfait qui montre vers quoi tendent aussi les jeunes professionnels : plus de sens et d’adéquation avec leur personnalité.

Comme de nombreux recruteurs, notre experte a donc accueilli cette démission avec bienveillance. « On n’a pas eu besoin de le recommander, car il est dans un tout autre secteur maintenant, il fabrique des conserves avec des légumes esquintés. Mais on l’aurait fait. C’est fantastique qu’il ait trouvé un projet dans lequel il se sente utile. »

Car en effet, les forces tendent à s’équilibrer entre un job choisi pour vivre (nourrir sa famille, prendre du bon temps hors du travail, créer un capital, etc.) et un emploi qui doit aussi être en accord avec des valeurs, une personnalité, un projet de vie. C’est le concept japonais de l’Ikigai qui vise à croiser ses compétences, ses talents et ses valeurs avec les besoins du marché afin de choisir au mieux un emploi.

Selon Alexandra, « Tout a changé. Maintenant, les candidats veulent, en plus de travailler, s’épanouir au travail, évoluer en compétences. C’est bien pour cela qu’est apparu le métier du Chief Happiness Officer ! Par conséquent, les gens sont plus exigeants et peuvent décider de s’en aller car la projection dans un poste n’est plus sur dix ans, mais à trois ou à quatre ans en général à Paris - un peu plus en province, mais guère. Enfin, les candidats sont aussi moins attachés au CDI et certains veulent plutôt se mettre en freelance. »

Des process de recrutements plus ouverts

Dans ce contexte, les recruteurs doivent élargir leurs horizons. Porter leurs choix sur des professionnels en reconversion, ou même qui n’ont pas les compétences - les hard skills - , mais aussi des soft skills nécessaires, pour plus de flexibilité. Convaincue que les profils “couteaux suisses”, qui possèdent ces soft skills, sont aussi utiles en entreprise que les spécialistes, Alexandra milite pour des recrutements et des processus de recrutement atypiques.

Un hackathon a par exemple été organisé en interne en 2016 pour recruter des profils hors des sentiers battus. Le concept : 25 personnes de l’agence participaient au recrutement et des candidats de tous horizons pouvaient candidater, sans envoyer leur CV. Sur 400 candidatures reçues, 40 candidats ont été retenus pour participer à cette journée. Les recruteurs les ont écoutés pitcher autour d’une activité sportive, pour casser la solennité du recrutement. Trois d’entre eux ont finalement été embauchés. Des candidats talentueux qui n’auraient peut être jamais eu leur chance sans ce procédé. « Depuis, on ne recrute plus de la même façon chez Australie. Depuis un an ou deux, mon job consiste beaucoup à pousser en interne pour amener des candidats excellents, mais qui n’ont a priori pas le profil voulu, en tout cas sur le papier » souligne Alexandra.

Des profils entre hyperspécialisation et multipotentialité

Alexandra nous donne l’exemple du Social Media Manager d’Australie qu’elle avait eu beaucoup de mal à recruter car il ne venait pas du secteur de la pub’ et qui, à présent, est en train de devenir Créa : « Notre Community Manager a fait ses preuves en étant proactif et doué. À présent, on lui fait confiance, toutes les portes lui sont ouvertes. » Pour Alexandra, le secret de ces profils atypiques c’est aussi un « état d’esprit qui nous donne l’opportunité et l’envie de bouger. » Le savoir-être, la curiosité et la prise d’initiatives ont donc pris beaucoup de place dans les critères de recrutement, parfois plus que les diplômes ou l’hyper-spécialisation.

Mais ce concept de multipotentialité est-il utopique ? Alexandra est convaincue qu’on peut être brillant dans plusieurs disciplines, pour peu qu’on aille au bout de ses projets. « C’est de plus en plus courant de ne plus faire une seule carrière. Mais il faut que ce soit sur un laps de temps conséquent, par exemple cinq ans, car si le switch est trop régulier, on se dit que la personne a du mal à se trouver. Au contraire, si elle a eu trois projets en quinze ans, c’est riche, et c’est le témoin d’une expertise fantastique. »

En parallèle de ces profils curieux et souvent créatifs, Alexandra aime cependant avoir des personnes plus spécialisées au sein de son équipe : « Il nous faut être plus innovants, aller plus vite, proposer des choses qui sortent de l’ordinaire, donc on ne peut plus se permettre d’avoir des gens qui soient dans des cases trop étroites. On adore les profils polyvalents et il faut impérativement en avoir. En revanche, ces profils peuvent manquer de rigueur, et donc il faut aussi des gens qui posent des questions auxquelles on ne pense pas, qui sont qui un brin plus procéduriers, pour calmer et encadrer les créativités. »

Hyperspécialisation ou multipotentialité, il faut donc de tout pour faire un monde. Mais si vous décidiez un jour de changer de voie, de switcher, l’essentiel est de développer des soft skills et hard skills transposables et de construire un projet pour justifier le shift.

Les conseils RH pour choisir sa première aventure

Demandez-vous :

Si la mission de la boîte fait sens pour vous :

  • Cet emploi est-il en accord avec vos valeurs? Ce qui est essentiel pour vous : le sens, l’argent, l’utilité… Regardez attentivement le site de l’entreprise, vous devriez pouvoir sentir si vous êtes en adéquation avec ses valeurs !
  • La mission de l’entreprise fait-elle sens pour vous? Quelle que soit votre première expérience, si vous avez contribué à une aventure qui vous enthousiasme, vous saurez toujours la revendre, même en cherchant un poste différent. Vous pourrez en effet dire que vous étiez attaché à la vision de l’entreprise et avez fait bouger les lignes dans tel domaine ou sur telle problématique, indépendamment du poste.

Si vos collaborateurs vous inspirent :

  • Quel que soit le job que vous prendrez après, l’objectif dans le premier est de grandir humainement comme professionnellement ! Écoutez vos tripes et partez dans une équipe où vous sentez que vos boss auront beaucoup à vous apprendre et la bienveillance de partager leur savoir.

Quelles seront vos opportunités d’apprendre :

  • Quelles sont les missions que vous aurez, dans quelles proportions ? Est-ce que vous les maîtrisez déjà ? C’est important d’avoir une marge de progression assez grande, pour pouvoir rester deux ou trois ans dans le job sans en faire le tour. Et pour changer de job, c’est primordial de pouvoir montrer qu’on est capable de se mettre à niveau rapidement. Faites la liste des choses que vous apprenez sur le tas au quotidien pour ne pas les oublier et avoir des exemples concrets le jour où vous voudrez switcher.
  • Est-ce que la boîte offre également l’opportunité de se former? Ou aurez-vous du temps que vous pourrez consacrer à des MOOCS, par exemple ? Rien de tel pour “se décloisonner” que d’ouvrir son horizon de compétences en se formant en continu sur les sujets sur lesquels vous souhaitez basculer. Et comme vous êtes un bon élément, il est très probable que votre entreprise vous propose de switcher en interne, puisque vous aurez démontré votre proactivité et votre capacité à apprendre et
  • Est-ce que votre entreprise encourage la montée en compétences ? Par exemple, que penseront-ils si vous voulez apprendre une nouvelle langue mais sans impact direct sur votre job ? Quelle que soit la réponse de votre employeur, ne négligez jamais vos envies d’apprentissage, elles vous serviront personnellement, ou professionnellement dans une aventure future.

Qui ce job va vous faire rencontrer :

  • Ce poste va-t-il vous permettre de développer un réseau? Mine de rien, pour switcher, rien de tel que de pouvoir explorer le marché caché en ayant des offres de job qui arrivent dans votre boîte mail avant d’être publiées !
  • Petits déjeuners, déjeuners, conférences, ne négligez pas votre réseau. Et surtout, privilégiez le don et la bienveillance. Plus vous rendrez service de manière gratuite et vous intéresserez vraiment aux autres, plus votre réseau sera solide et actionnable. Et le résultat vaudra 100 fois l’énergie investie, promis !

Comment ce job s’insère dans votre plan de carrière :

  • Cet emploi colle-t-il avec votre plan de carrière à moyen terme, si vous en avez déjà un ? Il est susceptible de changer, mais vous ferez les ajustements en conséquence !

En résumé

Votre premier job ne vous enfermera pas dans un secteur ou un métier pour autant que vous sachiez motiver votre changement de direction clairement, et rassurer le recruteur sur votre motivation pour le nouveau poste, et votre capacité d’apprentissage. Il est préférable de rester tout de même deux ou trois ans dans un premier poste pour le maîtriser.

Et surtout, profitez de ce premier poste, où vous allez apprendre tant de choses utiles pour le reste de votre carrière. Maintenant que vous savez que vous aurez le choix de prendre une autre direction, vous pouvez vous consacrer à 100% à cette première aventure !

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Photos by WTTJ @Cheerz

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