Les métiers de la diplomatie, comment représenter son pays autour du globe ?

17 janv. 2019

7min

Les métiers de la diplomatie, comment représenter son pays autour du globe ?
auteur.e
Romain Mielcarek

Explorateur du monde militaire et des zones de guerres.

Pour certains, les diplomates, ce sont ces personnages de légende à mi-chemin entre le service de l’Etat et l’art de la plume, tels Chateaubriand ou Romain Gary. Pour d’autres, ce sont les organisateurs de soirées et de cocktails prestigieux, dans des demeures cossues, petits bouts de France aux quatre coins du monde. Le ministère des Affaires étrangères, que l’on appelle aussi le Quai d’Orsay du fait de la position géographique de son siège à Paris, est une institution qui porte son histoire : « C’est un petit ministère, avec un grand prestige », résume un diplomate que nous avons rencontré.

Qui sont les diplomates ?

La diplomatie française, ce sont 13 550 personnes qui travaillent au service de la politique étrangère du pays. 42% sont titulaires des différents concours de la fonction publique, propres au Quai d’Orsay. Le reste se partage entre contractuels embauchés pour des missions spécifiques (18%), employés locaux travaillant dans leurs pays d’origine (35%) et militaires (5%).

Les métiers de la diplomatie sont globalement restés les mêmes depuis des siècles. Les diplomates d’aujourd’hui, comme ceux d’hier, défendent les intérêts de la France à travers le monde et aident l’Etat à comprendre les enjeux qui se trament tout autour du globe tout en négociant ses relations avec les autres. Entre temps, ils ont tout de même appris à tweeter.

Qu’ils soient sur des postes politiques ou sur d’autres spécialités, les diplomates sont soumis au même statut, en fonction de leur grade. Le choix sera toujours le même : passer les concours ou remplir un contrat. Leur salaire dépend de leur niveau dans l’institution. Le recrutement privilégie les formations en langues, dont la maîtrise est incontournable et en sciences politiques, teintées de communication et d’économie pour les spécialités concernées. Il reste timide envers les profils plus atypiques.

Représentants politiques de la France

Lorsque l’on parle diplomatie, chacun pense très vite aux ambassadeurs. Ils sont la partie la plus visible et la plus symbolique de l’iceberg diplomatique : ils incarnent la France dans les autres pays et portent une parole politique de l’Etat à l’étranger. En réalité, ambassadeur, c’est un peu plus qu’un poste. C’est aussi un grade. Il existe ainsi des ambassadeurs dédiés à autre chose que des pays : la lutte contre le VIH pour la diplomate de carrière Michèle Boccoz ou les régions polaires pour l’ancienne ministre Ségolène Royal, par exemple.

Ceux que l’on appelle en général les « diplomates de carrières » ont passé les concours de la fonction publique spécifiques au Quai d’Orsay : le cadre général et le cadre d’Orient, plus ou moins orientés sur la connaissance de zones culturelles spécifiques. Les candidats, majoritairement issus de différentes formations de sciences politiques, de l’Ecole nationale d’administration (ENA) et de l’Institut des langues et civilisations orientales (Inalco) pourront viser les plus hautes responsabilités : la direction des ambassades et des grands services du ministère.

Peut-on faire carrière dans la diplomatie sans passer par ces concours ? « Non, estime Camille, une jeune titulaire. Enfin il y a des exceptions, mais il faut accepter une progression plus lente et des postes dans des pays pas vraiment attractifs. » Gui, un contractuel justement, explique y trouver tout de même son compte : « Un poste au Quai d’Orsay, c’est un tremplin unique. Mais ça reste un contrat précaire malgré tout. » Si le poste est passionnant, difficile en effet pour lui de se projeter sur le long terme : rares sont ceux qui parviennent à renouveler ces contrats.

Qu’ils soient titulaires ou contractuels, les conseillers politiques du ministère des Affaires étrangères viendront alimenter l’ensemble de son réseau, à Paris comme dans les autres pays : 162 ambassades, 16 représentations dans des instances internationales (ONU, Otan, Unesco…), 91 consulats et de nombreuses structures dédiées à la culture ou à la langue française. « Je suis le point de contact de toutes les informations sur un pays, qu’elles viennent de la presse, des services diplomatiques ou d’autres sources, résume Camille. Je dois tout digérer pour nourrir les décisions politiques de la France. »

Les conseillers économiques

Les missions économiques ont gagné en importance au sein des ambassades françaises à partir du début du XXème siècle mais les plus anciens dateraient d’au moins 1720, comme le rappelle le Quai d’Orsay. À l’époque, le Régent de France a fait accompagner son nouvel ambassadeur à Madrid d’un marchand chargé de suivre les affaires commerciales.

Le ministère précise dans sa brochure dédiée à l’emploi : « Tous les agents doivent intégrer la dimension économique dans leur action. » Cette spécialité a tout de même été formalisée en mars 2013 avec la mise en place d’une « Direction des entreprises et de l’économie internationale et de la promotion du tourisme. » Celle-ci emploie beaucoup de contractuels, spécialistes de certains pays ou de certains secteurs industriels spécifiques. Les formations en sciences politiques restent ici aussi privilégiées, même si des candidats venus d’écoles de commerces, rares, auraient toutes leurs chances. Les conseillers économiques travaillent majoritairement à la négociation de grands contrats. « Nous faisons un peu les VRP, résume Gui. J’essaie de favoriser l’ensemble de nos exportations. J’essaie de prêcher la bonne parole économique au sein d’un ministère très porté sur le politique. »

Attachés de défense

Parmi les spécialistes déployés dans les ambassades, l’attaché de défense est le plus ancien : l’habitude a été prise dès le Second Empire. Ces officiers et leurs équipes, détachés auprès du ministère des Affaires étrangères, occupent un emploi sur vingt. Mais impossible d’accéder à ce poste sans passer par la carrière militaire. Les attachés de défense sont des officiers supérieurs chargés d’animer les relations militaires avec le pays hôte. Ils vont par exemple participer à la sélection des officiers locaux qui seront invités dans les écoles militaires françaises. Ils vont aussi organiser les visites de détachements en exercice ou d’autorités militaires dans le pays hôte.

Ils contribuent aussi, comme les conseillers économiques, à favoriser le commerce… En appuyant les ventes d’armes, par exemple. Cette industrie, qui représente 200 000 emplois dans l’Hexagone, est prospère. Elle engage politiquement et stratégiquement les pays clients et la France.

Service du protocole

Les soirées de l’Ambassadeur, ça ne s’improvise pas. Le protocole est un métier à part entière, parfois surprenant pour les néophytes, mais qui peut avoir de très lourdes conséquences. Chaque détail peut susciter des mois de tractations pour satisfaire les enjeux de chaque côté : l’ordre d’invitation des autorités, un geste qui se veut amical mais peut être mal interprété, la présence d’invités antagonistes à une rencontre officielle… Ce sont souvent des postes occupés par des diplomates ayant déjà une certaine expérience, rodés à ce genre de problématiques.

Un diplomate nous confie un exemple typique de dilemme rencontré par le protocole lors de la planification d’une visite d’Etat du président iranien en France en 2015 : les Français cherchaient comment mettre du vin à table sans offusquer Hassan Rohani. Certains ont épluché les archives jusqu’à l’époque de Valéry Giscard d’Estaing pour trouver une solution. Les diplomates iraniens, eux, refusaient, de peur que des opposants se saisissent d’une photo malheureuse pour détruire l’image de leur président. Pas d’alcool et de la viande hallal ? Pas question pour Paris : ce serait là aussi prêter le flanc aux critiques. Après des mois de négociations, le repas officiel sera tout simplement annulé, faute de solution convenant aux deux parties.

Les conseillers culturels

La diplomatie culturelle est un pilier important du Quai d’Orsay qui revendique l’organisation de plus de 26 000 manifestations par an à travers le monde. L’objectif : faire connaître la culture et le travail des artistes français. Là encore, selon les postes et les spécialités, des fonctionnaires titulaires des différents concours côtoient des contractuels recrutés pour quelques années. Ils travaillent dans l’un des 154 services de coopération et d’action culturelle ou dans l’un des 124 Instituts français, plus spécifiquement axés sur l’apprentissage de la langue. Il existe également des coopérations dans le domaine de la recherche universitaire.

Les projets culturels peuvent être de très grande envergure, comme Africa 2020, lancé par Emmanuel Macron lui-même. Coordonné par les Instituts français des 54 pays du continent, ce programme prévoit de réunir dans les ambassades et à Paris des artistes et des intellectuels chargés d’exprimer l’Afrique dans toutes ses nuances. Les conseillers culturels de chaque pays interviennent en identifiant et en proposant des idées et des intervenants. Au quotidien, ils enseignent le français, font découvrir les auteurs ou encore les artistes de la France, qu’ils soient historiques ou contemporains.

Les communicants

Les communicants, dans les ambassades comme à Paris, jouent un rôle de plus en plus important au sein de la diplomatie. Issus de formations en sciences politiques et en communication, ils sont chargés de vérifier que la parole de la France, portée par le réseau diplomatique, est bien comprise par les différents publics visés. Ils doivent aussi accompagner leurs ambassadeurs dans leur connexion aux réseaux sociaux, qui n’est pas toujours innée dans l’ancienne génération.

Petite spécificité par rapport à d’autres communicants : ceux de la diplomatie font aussi face aux journalistes locaux. Organiser une conférence de presse pour des journalistes dans les pays où les droits de la presse sont très limités, recevoir des journalistes lorsque le pays est en guerre ou encore entretenir les relations avec ceux d’un pays qui s’intéresse peu à la France, sont quelques-uns des défis qui se posent au diplomate communicant.

Agents consulaires

Le réseau consulaire est particulièrement crucial pour le ministère des Affaires étrangères. Il apporte de nombreux services aux expatriés français tout comme aux étrangers souhaitant se rendre en France. Il reste perçu comme relativement ingrat, du fait de l’aspect très administratif de cette spécialité. Rares sont les très hauts diplomates à avoir eu des expériences en consulat, si ce n’est en début de carrière et généralement dans de très grosses emprises comme Londres ou Washington, ainsi que sur des postes plus politiques comme les consulats de Hong Kong ou de Jérusalem.

Le consulat est chargé de fournir les divers services relevant du ministère des Affaires étrangères. C’est là que les ressortissants étrangers viennent déposer leurs demandes de VISA. Le consulat apporte également diverses aides aux Français présents à l’étranger : il accompagnera et conseillera les proches d’une victime d’accident ou fournira une assistance juridique en cas de vol ou de difficultés avec les autorités locales. Lorsque l’on travaille dans le réseau consulaire, il faut donc parfaitement connaître les problématiques juridiques, administratives et sanitaires du pays où l’on est déployé. Il faut également montrer une aisance à œuvrer en équipe avec des gens originaires des pays où l’on travaille : le réseau consulaire emploie de nombreux locaux.

Des métiers exigeants

Fonction publique oblige, le ministère des Affaires étrangères dispose d’une grille des salaires inflexible. Pour la majorité des diplomates, il s’élèvera entre 1500 et 2500 euros brut, en fonction du type de catégorie et de l’ancienneté. Certaines affectations, notamment à l’étranger, entraînent des avantages en nature et des primes, pour se loger par exemple. Les plus hautes fonctions, comme les ambassadeurs dans des pays en guerre ou les diplomates nommés à la tête des grandes institutions internationales (OCDE, ONU, UE), peuvent grimper jusqu’à un salaire à cinq chiffres. Ils restent rarissimes.

Qu’il décide de s’orienter vers la négociation politique, le réseau consulaire ou la coopération culturelle, le jeune diplomate aura donc des conditions de rémunération et de carrières comparables. Pour intégrer le Quai d’Orsay, il devra faire le choix entre un contrat qui a peu de chance d’être renouvelé… Et des concours pour devenir fonctionnaire dont le taux de réussite plafonne entre 1 et 2% selon les catégories. Un véritable parcours du combattant pour parvenir, un jour peut-être, à servir la politique étrangère de la France. Un sacrifice qu’aucun des jeunes diplomates que nous avons interrogés ne semble regretter.

*certains prénoms ont été modifiés

Suivez Welcome to the Jungle sur Facebook et abonnez-vous à notre newsletter pour recevoir chaque jour nos meilleurs articles !

Photo by WTTJ