Défendre les causes de ses clients : le responsable affaires publiques

13 mars 2019

4min

Défendre les causes de ses clients : le responsable affaires publiques

« Lorsque j’engage un combat, il ne me vient pas à l’esprit que je puisse le perdre », une phrase de Jacques Chirac qui date de 1978, telle est la philosophie de Pierre Bibet, responsable affaires publiques et premier adjoint au maire d’une commune en Normandie. Homme d’influence, autrement appelé lobbyiste, son quotidien est de défendre des causes auxquelles il croit et d’éviter les cas de crise.

Pierre, quel est le parcours pour devenir responsable affaires publiques et comment en es-tu arrivé à exercer ce métier ?

Conventionnellement pour devenir responsable affaires publiques il faut faire Sciences Po ou un master affaires publiques. Pour moi cela a été différent car j’étais déjà dans le paysage politique depuis plus de 6 ans.

En quoi consiste ton métier ?

Mon métier c’est de traduire les enjeux et les objectifs d’un secteur d’activité ou d’une filière (groupement d’entreprises dans un même domaine, ndlr.) dans un langage plus politique et de construire un positionnement institutionnel par rapport à un projet de loi, à des déclarations gouvernementales ou parlementaires.

Ces enjeux peuvent être multiples : économiques, fiscaux, environnementaux, sociétaux … et ils nécessitent d’obtenir une oreille plus attentive des personnalités politiques. Il faut construire un dialogue et un discours qui soient audibles pour le politique et permettent d’obtenir une prise en compte des enjeux du secteur que nous représentons.

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Qu’est-ce que tu aimes le plus dans ton métier ?

Devoir sans cesse trouver des solutions, des idées…Mais surtout convaincre, tout en défendant une cause. La filière a sa vérité, les opposants ont la leur, nous sommes les avocats des organisations que l’on défend sauf que l’on est au Parlement face à des législateurs et non au tribunal face à des juges. Les causes que nous défendons peuvent être très diverses, il faut savoir jongler entre plusieurs sujets différents en une journée et nous sommes toujours meilleurs quand les causes sont en adéquation avec nos valeurs.

Les causes que nous défendons peuvent être très diverses, il faut savoir jongler entre plusieurs sujets différents en une journée…

Qu’est-ce que tu aimes moins ?

Les idées reçues sur ce métier. On dit souvent que le lobbyiste est tout puissant et fait la loi alors que c’est le législateur qui tranche. Nous sommes des influenceurs mais ce n’est pas nous qui appuyons sur le bouton pour écrire, dans la loi, ce que nous défendons . Comme dans tout métier, il y en a qui font leur job de manière éthique et consciencieuse, et d’autres qui le font de manière trop agressive. En réalité, le lobbyiste est mal perçu car il est toujours associé aux pesticides, au tabac, à l’alcool…mais Oxfam ou FNE sont aussi des lobbyistes.

En France, nous devons déclarer publiquement tout ce que nous faisons (Loi Sapin avec la création de la HATVP) et en même temps ne pas trop dire que nous rencontrons des parlementaires car ça ne se fait pas. C’est une position assez inconfortable. Pour ma part, je milite pour que le Gouvernement et le Parlement redéfinissent notre rôle et nos relations avec les législateurs. Encadrons vraiment le lobbying en France, c’est-à-dire que si nous donnions des droits et des devoirs à la fois aux lobbyistes et aux législateurs dans le cadre d’un projet de loi, alors nos rapports seraient meilleurs, comme c’est le cas au Canada ou au Royaume-Uni où les lobbies sont connus, visibles et représentent légitimement des intérêts particuliers. Au législateur, à la fin, de faire son job et de prendre des décisions en faveur de l’intérêt général.

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La gestion de situations de crise est partie prenante du métier. Dirais-tu que les entreprises sont majoritairement armées pour y répondre et comment les aides-tu ?

Le responsable affaires publiques a aussi pour objectif d’éviter la crise, la question de la notoriété et de l’image est importante. Je ne dirais pas qu’elles ne sont pas armées car leurs arguments et prises d’initiative sont réelles en cas de crise mais elles peuvent être très vite dépassées par la violence et la rapidité de l’explosion d’une crise, avec aujourd’hui la médiatisation continue et les réseaux sociaux qui viralisent les informations à une vitesse impressionnante.

Si je prends l’exemple de Lactalis avec les laits infantiles contaminés, il s’agit pour moi d’une mauvaise gestion de crise car le patron n’a jamais pris la parole. S’il y a un problème, il faut l’assumer, en afficher les causes, et expliquer comment le problème a été traité. Car en réalité ils ont réagi vite mais ils ne l’ont pas assez dit.

Notre rôle en tant que professionnel de la communication est de faire, dans un délai très restreint, un SWOT (identifier les opportunités, menaces, forces et faiblesses de la situation) afin de les éclairer et de leur délivrer des éléments de langage. Le PDG n’est pas forcément le porte-parole de chaque situation, nous devons les aider à trouver le profil approprié à ce cas de crise et en fonction des sujets. Pour cela, il faut sentir les gens, un bon porte-parole est celui qui garde son calme et reste factuel, qui ne se laisse pas embarquer dans les questions des journalistes à la quête d’un scoop, d’un reportage sensationnel. Par exemple, Nocibé a bien réagi face aux propos racistes de son directeur marketing. La marque s’est désolidarisée tout de suite en disant que les propos émanaient du compte personnel du directeur marketing et que ces valeurs n’étaient pas du tout partagées par la maison. Puis dans un deuxième temps, la personne s’est fait mettre à pied : factuel, précis, simple.

Un bon porte-parole est celui qui garde son calme et reste factuel, qui ne se laisse pas embarquer dans les questions des journalistes.

Quelles sont les qualités et les connaissances requises pour ce poste ?

  • Il faut connaître le fonctionnement politique du pays, son cadre législatif et réglementaire.
  • Il faut être vif intellectuellement, avoir une intelligence de situation.
  • Il faut avoir un sens politique, c’est-à-dire lire et analyser l’actualité politique tous les jours.

Et enfin mais le plus important, il faut avoir du nez, être capable d’anticiper quelle prise de position pourrait avoir le personnel politique. Anticiper ses opposants et identifier ses alliés. Car souvent nos alliés politiques n’ont que 10% des informations et des arguments pour défendre notre cause.

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Un dernier conseil pour marcher sur tes traces ?

Ne jamais baisser les bras, malgré les multiples tentations. Car le métier de lobbyiste est un métier où il faut particulièrement savoir adapter, parfois à la marge, parfois en profondeur, les stratégies.

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Photo by WTTJ