Passer son entretien d'embauche... en vacances. Certains l'ont fait, non sans regrets

25 juil. 2023

5min

Passer son entretien d'embauche... en vacances. Certains l'ont fait, non sans regrets
auteur.e
Sarah Torné

Rédactrice & Copywriter B2B

contributeur.e

L’heure des vacances a sonné en même temps que le top départ de votre recherche d’emploi. Résultat, vous avez postulé, histoire d'avoir le choix à votre retour. Vous restez ainsi joignable à tout moment, comme vous l’indiquez poliment dans votre lettre de motivation. Sauf que vous n’imaginiez pas deux minutes que l'on vous prendrait au mot ! Hélas, des recruteurs mordent à l’hameçon plus vite que vous ne le pensiez et votre téléphone s’affole au fond de votre sac de plage. Ni une ni deux, vous décidez de mettre vos vacances en pause et de vous prêter au jeu de l’entretien.

« L’entretien devait avoir lieu à 15h30, heure française, soit 1h30 du matin là où j’étais »

Maxime (1), 22 ans, recherchait un poste d’UX Designer

Je viens de terminer mon stage de fin d’étude dans une agence de com reconnue qui n’a malheureusement pas pu m’embaucher en CDI. Je suis plutôt content car j’ai pour projet de partir en road trip en Nouvelle-Zélande avec mon meilleur ami pendant plusieurs semaines, une sorte de dernière grosse aventure avant de débarquer dans le monde professionnel.

Une fois arrivés à Auckland, on loue un van aménagé et on commence à découvrir ce pays incroyable pendant quelques jours en étant complètement déconnectés. Un jour, alors qu’on se pose dans un café, je réussis à capter le Wi-Fi, et décide de consulter mes emails… Et là, c’est le drame : j’ai un message en attente depuis trois jours. Mon ancien manager a fait passer mon CV à une entreprise, très réputée dans son domaine. Ils me proposent de passer un entretien dans quatre jours, soit demain. Je lis que l’entretien doit avoir lieu à 15h30, heure française, soit 1h30 du matin là où je suis. Je ne réfléchis pas, je réponds en m’excusant pour le retard et j’accepte l’entretien.

Je sais que j’aurais dû oser expliquer la vérité, mais j’étais un peu nerveux à l’idée de donner une impression négative. Je passe la journée entière à faire des tests pour m’assurer d’avoir une connexion Internet stable et un environnement approprié pour passer mon entretien. Pour la connexion Internet, j’achète une carte SIM pour m’assurer un bon débit de 5G que je peux partager avec mon ordinateur. Pour ma tenue, je sélectionne un tee-shirt blanc très simple qui fera l’affaire. Pour la lumière, j’utilise une lampe LED pour éclairer l’intérieur du van, et je m’assure de changer le fond virtuel sur l’outil de visioconférence.

1h30, l’entretien commence. Je m’efforce de répondre aux questions avec cohérence, mais je sens que mes réponses ne sont pas aussi vives et claires que je l’aurais souhaité. Je suis un peu déboussolé de mener l’entretien dans ces conditions, pendant que mon meilleur ami attend à l’extérieur dans le noir à bientôt 2h du matin. Le recruteur remarque probablement ma confusion puisqu’il me demande si tout va bien. Je décide que ce n’est pas le moment de me dégonfler, et je poursuis l’entretien de manière plus détendue, en parlant davantage de mon expérience et de mes compétences.

Je n’ai finalement pas eu le poste, mais j’ai gagné une anecdote très amusante et un souvenir impérissable avec mon meilleur ami. J’ai quand même réalisé qu’il est important d’être transparent dès le début. J’aurais dû expliquer la situation du décalage horaire et demander si nous pouvions trouver une plage horaire plus convenable pour nous. Cela m’aurait sûrement permis de donner le meilleur de moi-même.

« Ma situation a fait rire mon interlocutrice, ce qui a permis de briser la glace très vite »

Sophie (1), 30 ans, recherchait un poste de Cheffe de Produit

Je suis entre deux jobs, et je décide de partir rejoindre une amie qui vit à Ténérife pour profiter du soleil et d’une pause bien méritée après une période de recherche d’emploi intense.

À la fin du séjour, je dois prendre un vol vers la France tôt le matin, afin d’aller passer un premier entretien dans les locaux d’une jeune entreprise l’après-midi. C’était une opportunité passionnante, qui correspondait parfaitement à mes compétences et à mes aspirations professionnelles. Malheureusement, une violente tempête s’abat sur les îles Canaries ce jour-là, forçant l’aéroport de Ténérife à annuler tous les vols pour une période indéterminée.

Les heures passent et je me rends compte que l’heure de mon entretien approche. Je ne veux absolument pas laisser passer cette opportunité, alors je trouve un coin calme dans le terminal, et munie de mon ordinateur, je contacte l’entreprise pour les informer de ma situation imprévue et je leur propose de passer l’entretien à distance, depuis l’aéroport.

Heureusement, ils se montrent compréhensifs et acceptent mes conditions. Et l’entretien se déroule avec succès ! Ma situation fait rire mon interlocutrice, ce qui permet de briser la glace très vite. Elle apprécie beaucoup ma motivation et ma capacité à m’adapter malgré les contraintes.

Une fois l’entretien terminé, je rejoins ma porte d’embarquement en courant car mon vol est reprogrammé. Heureusement, mon avion n’est pas encore parti et je rentre chez moi, un second entretien en poche.

« Je me suis retrouvé en pleine digestion pendant l’entretien »

Xavier (1), 32 ans, recherchait un poste de Sales Manager

Je suis en vacances chez des amis, l’ambiance est très détendue. Le programme du déjeuner ? Barbecue au bord de la piscine. Je dois faire attention car juste après, j’ai un entretien en visio avec le CEO d’une entreprise avec qui je suis en discussion depuis plusieurs semaines.

Le barbecue est délicieux, je mange beaucoup et je bois un peu. J’en oublie légèrement l’entretien. Au moment où je regarde ma montre, je me rends compte qu’il a lieu dans cinq minutes. Je me retrouve donc en pleine digestion lorsque l’heure de l’entretien arrive.

Les remontées gastriques et l’inconfort commencent à se manifester après quelques minutes, ce qui rend la situation quelque peu délicate. J’utilise des techniques de respiration pour calmer mon estomac et je prends des pauses régulièrement pour boire de l’eau.

Je ne sais pas si mon interlocuteur s’en rend compte, mais je suis un peu trop à l’aise pendant l’entretien - probablement à cause de la détente provoquée par le repas. Par exemple, quand il me demande quels sont les points sur lesquels je pense devoir m’améliorer, au lieu de répondre avec ma réponse générique habituelle, je décide de jouer carte sur table et lui avoue que j’ai tendance à vouloir tout contrôler. Ce à quoi j’ajoute immédiatement que je travaille activement sur cette faiblesse.

Finalement, je crois que mes réponses honnêtes ont été bien accueillies par mon interlocuteur et ont joué en ma faveur. Je n’encourage bien sûr personne à mener un entretien après un repas arrosé. Néanmoins, bien que la situation n’ait pas été idéale, j’ai essayé de tourner cet inconvénient à mon avantage et étant plus détendu et honnête dans mes réponses.

« J’ai réalisé que ma localisation géographique était perçue négativement par la recruteuse »

Élodie (1), 25 ans, cherchait un poste de Responsable communication

Juste avant mon départ en vacances, je candidate pour un poste dans une association engagée pour la réduction des émissions carbone. On me répond quasi immédiatement par la positive en me proposant un entretien qui doit avoir lieu pendant ma semaine de vacances. Je décide d’accepter et m’envole vers ma destination : Tulum, au Mexique.

Je me présente en visio le jour de l’entretien. Le courant passe bien avec la recruteuse. On discute de mes qualifications et de mon intérêt pour le poste et mes réponses semblent lui plaire. C’était jusqu’à ce qu’elle me demande où j’étais car elle apercevait des palmiers derrière moi. Je lui explique alors que je suis à Tulum pour la semaine. Un moment de malaise et de silence s’installe.

Je réalise immédiatement que ma localisation géographique doit être perçue négativement par la recruteuse, car qui dit voyage international dit empreinte carbone élevée. Je cherche à rectifier le tir en expliquant que je suis consciente de l’impact environnemental des voyages et que j’adopte des mesures pour minimiser mon empreinte carbone, comme compenser mes émissions de CO2.

Mais ça ne semble pas convaincre la recruteuse, qui m’explique que la situation à Tulum est catastrophique à cause du tourisme, que les forêts et les mangroves périssent, que les eaux usées polluent les nappes phréatiques… Bref, je ne gagne clairement pas de points. On finit par changer de sujet et finir l’entretien.

Je n’ai finalement pas eu le poste, je n’ai jamais su si c’était à cause de ma destination de vacances ou pas. Dans tous les cas, cet entretien m’a quand même fait beaucoup réfléchir sur mes choix de vacances et mes dissonances cognitives. J’ai réalisé que vouloir s’engager pour l’environnement dans mon travail signifiait aussi questionner mes pratiques et mes habitudes personnelles.

Jongler entre bronzette et entretiens d’embauches peut-être une mission périlleuse. Mais rassurez-vous, vos interlocuteurs ne seront pas surpris de vous savoir en vacances, bien au contraire : en restant professionnel lors de votre entretien, vous démontrerez votre capacité d’adaptation, et en étant transparent et honnête sur votre situation, vous créerez une discussion plus détendue.

(1) Les prénoms ont été modifiés

Article édité par Manuel Avenel ; Photo par Thomas Decamps.

Les thématiques abordées