Du marketing à la création d'un média sans gluten, le parcours de Cécile Gleize

27 févr. 2019

6min

Du marketing à la création d'un média sans gluten, le parcours de Cécile Gleize

Cécile Gleize est passée du marketing au cœur de grandes entreprises à l’entrepreneuriat. Elle a créé en 2013 le média Because Gus destiné aux sans gluten. Elle-même sensible au gluten, elle a choisi d’informer sa communauté sur les initiatives et alternatives pour que chacun parvienne à manger sans gluten au quotidien. Aujourd’hui, sa communauté est engagée et compte plus de 15 000 fans sur Facebook et 120 000 lecteurs mensuels sur son site. Elle prépare en ce moment le premier baromètre sur les sans gluten pour comprendre qui sont toutes ces personnes qui mangent sans gluten. On l’a rencontré pour qu’elle nous explique son parcours, les étapes de création de son média et ce qui la motive au quotidien.

Quel a été ton parcours professionnel ?

J’ai étudié à Sciences Po Strasbourg. Après mon diplôme, je suis partie faire du marketing en Inde. Là-bas, j’ai fait une étude de marché pour EADS et dans un deuxième temps j’ai travaillé chez Danone pour le lancement de leur tout premier produit dans le pays. Quand je suis revenue en France après ces deux expériences, j’ai choisi de reprendre mes études en intégrant un Master Spécialisé en Marketing à HEC. J’ai ensuite rejoint Reckitt Benckiser, le temps d’une expérience formatrice mais humainement compliquée. J’étais en freelance pour réaliser une étude pour Bata, quand j’ai découvert ma sensibilité au gluten.

Pourquoi as-tu décidé de créer Because Gus ?

J’ai depuis toujours eu des problèmes de digestion et ça ne faisait qu’empirer avec le temps. Un gastroentérologue m’a tout simplement conseillé d’arrêter totalement le gluten : cette décision a eu un effet radical sur mon corps. J’étais surprise qu’on ne m’en ait pas parlé plus tôt !
Tout de suite, je me suis demandée ce que j’allais bien pouvoir manger, comment j’allais l’expliquer à ma famille et mes amis lors de repas.

C’est pendant cette période de transition alimentaire que j’ai découvert le rayon sans gluten dans les magasins. À l’époque, ces rayons existaient seulement dans les magasins bio. J’ai tout de suite remarqué que l’image du rayon sans gluten n’était pas très sexy ! Le fait d’avoir travaillé dans la grande consommation m’a appris à regarder un rayon et des packs produits différemment. Il y avait encore du travail à faire sur le sans gluten !
J’avais donc repéré cette niche et puisque j’avais toujours voulu entreprendre, je me suis dit que maintenant pouvait être le bon moment. J’ai donc intégré l’incubateur HEC avec un projet autour du sans gluten.

J’avais donc repéré cette niche et puisque j’avais toujours voulu entreprendre, je me suis dit que maintenant pouvait être le bon moment.

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Quelle idée avais-tu en tête en intégrant l’incubateur ?

Justement, je n’avais rien de très précis en tête. Je savais juste que je voulais lancer un projet autour du sans gluten. Avec l’aide de l’incubateur, d’un coach et des sessions collectives, j’ai fait une grande étude de marché. J’ai interviewé plus de 150 personnes qui mangeaient sans gluten pour comprendre de quoi ils avaient besoin. C’est comme ça que l’idée de lancer un média est apparue.

Quelles pistes t’ont apporté cette étude de marché ?

Grâce à cette étude, j’ai compris qu’il y avait de nombreuses initiatives qui se lançaient dans le sans gluten mais qu’elles avaient du mal à être connues des sans gluten, alors que ces derniers étaient frustrés de ne pas trouver plus de solutions alimentaires. J’ai ainsi pu mettre en relation l’offre et la demande. L’incubateur m’a accompagnée pendant un an et l’étude de marché m’a aidé à structurer ce que je voulais faire, à poser les bases tout en confrontant mon projet avec d’autres entrepreneurs et investisseurs potentiels.

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Quel message voulais-tu transmettre à travers Because Gus ?

Avec ce média, je voulais transmettre que ce n’est pas si compliqué de manger sans gluten, il y a plein d’autres choses que l’on peut cuisiner et d’adresses où se restaurer !
J’ai rapidement travaillé avec des journalistes et rédacteurs en freelance pour publier des articles et le prouver : « Est-ce qu’on peut manger sans gluten en prison ? » « Quelles idées pour le petit déj’ ? » « Où trouver une galette des rois sans gluten ? ». L’objectif de ces articles est d’accompagner les sans gluten au quotidien mais aussi d’aider leurs proches à comprendre les nouvelles options de nutrition. Car quand on se nourrit sans gluten, cela impacte aussi l’entourage !

L’objectif de ces articles est d’accompagner les sans gluten mais aussi d’aider leurs proches à comprendre les nouvelles options de nutrition.

Le nom de ton site n’a aucun lien avec le gluten, pourquoi Because Gus ?

Je ne voulais pas qu’il y ait de lien avec le gluten car le mot gluten est forcément segmentant. Plus tard d’ailleurs, la boulangerie Chambelland, qui est sans gluten l’a prouvé en ne précisant pas en gros « sans gluten ». Ça attire forcément plus de monde et ça n’exclut personne.
J’ai choisi le « Because » car tout le monde me demandait pourquoi je ne mangeais pas de gluten alors que j’avais envie de manger sans avoir à me justifier. Et « Gus », c’est mon chat !

J’ai choisi le « Because » car tout le monde me demandait pourquoi je ne mangeais pas de gluten alors que j’avais envie de manger sans avoir à me justifier. Et « Gus », c’est mon chat !

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Financièrement, comment imaginais-tu le business model ?

L’incubateur m’a aidé à avoir cette réflexion, à savoir comment j’allais monétiser le projet. Je savais que le média allait me permettre de fédérer toute une communauté qualifiée et c’est tout à fait ce que cherchent les marques. Grâce à mon étude de marché, j’avais aussi identifié qu’il y avait plein de marques qui voulaient lancer des produits sans gluten mais qui n’étaient pas assez renseignées sur leur nouvelle cible. Qui sont les personnes sensibles au gluten ? Que veulent-elles ? Les marques voulaient s’assurer que ce n’était pas qu’un phénomène de mode. De l’autre côté, la communauté affirmait qu’elle voulait des produits qui lui correspondait.

Une fois que le marché du sans gluten est devenu très concurrentiel, notamment parce que tout le monde en parlait, les marques se sont mises à travailler leurs produits et leurs packs et à recourir à mes services pour les tester auprès de consommateurs, ou explorer des pistes pour les améliorer. Mon business model repose donc sur les études que les marques me commandent sur les sans gluten. Il s’agit soit de marques qui veulent se lancer sur le marché du sans gluten, soit de marques qui sont déjà sur le marché mais qui veulent savoir quel sera la prochaine innovation, si leur nouveau produit correspond aux demandes.

Enfin, une fois que le produit de la marque existe, on va le faire connaître et le faire vivre sur le site. Il y a donc aussi tout l’aspect communication et branding que je vends : articles, ateliers de cuisine, événements que les marques peuvent commander. Puisque la communauté est très en demande, cela fonctionne bien.

Aujourd’hui, quel est ton rôle ?

Je délègue les articles et je m’occupe de la programmation mais je me concentre surtout sur la prospection, je gère les clients et les opérations. De manière générale, je pilote le développement de la marque grâce aux partenariats. Le challenge que j’aime relever, c’est d’installer une conversation entre la communauté et les marques.

Le challenge que j’aime relever, c’est d’installer une conversation entre la communauté et les marques.

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Qu’apprécies-tu particulièrement dans ta vie aujourd’hui ?

J’aime vraiment ce rôle d’entremetteur et d’animatrice de la communauté car je suis en lien direct avec elle, je la connais bien et je sais comment parler d’elle. J’aime créer une relation juste et de confiance avec les consommateurs. D’ailleurs le 28 janvier dernier, je participais et animais la toute première table ronde sur le sans gluten. C’était super d’instaurer un dialogue avec d’autres acteurs du sans gluten, puis de pouvoir répondre à toutes sortes de questions du public dans la foulée. C’est très plaisant de maîtriser son sujet !

J’aime créer une relation juste et de confiance avec les consommateurs.

Est-ce que ça a été naturel pour toi de passer d’un handicap à un métier passion ?

Je suis franco-américaine et je pense que mon côté américain m’a aidé. L’échec aux Etats-Unis est beaucoup mieux vécu qu’en France, donc à aucun moment je me suis dit que j’étais condamnée ! Au contraire, il y avait tellement de choses à faire en France, je voulais participer à cette évolution des consciences.

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Aurais-tu un petit conseil à donner à des personnes qui veulent lancer un média online ?

D’être patient(e) et de se créer des outils de pilotage. C’est ce qui m’a aidé à identifier ce qui fonctionnait ou pas et corriger très rapidement le tir.
Les réseaux sociaux sont un super moyen pour se faire connaître, mais construire une communauté engagée ça se travaille et ça demande du temps chaque jour. Il faut travailler son lien avec ses lecteurs, pour ne pas perdre leur engagement, surtout si le modèle est basé sur du gratuit. J’aurais bien voulu qu’on m’explique sinon comment me greffer deux bras en plus pour gérer !

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Photo by WTTJ

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