« Le corps lâche », pourquoi tombe-t-on malade une fois en vacances ?

09 août 2023

4min

« Le corps lâche », pourquoi tombe-t-on malade une fois en vacances ?
auteur.e
Aurélie Cerffond

Journaliste @Welcome to the jungle

Partir en vacances pour… tomber malade. Si c’est votre triste sort, vous êtes peut-être sujet à la « maladie des loisirs ». Un mal fréquent chez les salariés dont le corps « lâche » dès qu’il est au repos. Explications et solutions pour briser ce mécanisme et (enfin) profiter de vos congés bien mérités.


« Trois mois que j’épluche les guides et les blogs de voyage pour planifier l’itinéraire de mon séjour au Brésil. Au bureau, j’avais même mis en place un décompte des jours me séparant du grand départ. Pourtant, quelques heures avant de me rendre à l’aéroport j’ai commencé à avoir mal à la gorge, le nez qui coule, puis une montée de fièvre », se souvient Nathalie, 33 ans. Cette graphiste, salariée d’une banque internationale, raconte passer systématiquement ses premiers jours de congés au lit, à se soigner. Et elle n’est pas la seule.

États grippaux, migraines, fatigue, douleurs musculaires, mal de ventre… sont ainsi ressentis par de nombreux travailleurs à l’orée de leurs week-ends ou de leurs vacances, victimes de ce que le psychologue néerlandais Ad Vingerhoets, a dénommé en 2002 la « maladie des loisirs ». D’après son étude scientifique publiée dans la revue médicale Psychotherapy and Psychosomatics, ce serait, entre autres, notre gestion du stress qui serait en cause. En effet, sous tension pendant nos semaines de travail, notre corps et notre esprit seraient dopés par la sécrétion d’adrénaline. Une hormone qui booste l’organisme, favorise la concentration et sert de rempart face aux agressions extérieures.

Mais quand vient le temps de la relâche, notre organisme est alors moins résistant aux infections. À cela s’ajoute parfois une dette de sommeil, ou un pic d’anxiété dû aux préparatifs du départ en congés, couplés à l’envie de boucler ses projets avant de s’absenter du travail. Bref, « le corps craque alors qu’il a tenu toute l’année », résume Johanna Rozenblum, psychologue clinicienne et auteure de Déconditionnez-vous, (éd. Le Courrier du Livre, 2023). Pour la spécialiste, ce phénomène est courant chez les salariés mais n’a rien d’une pathologie psychologique, « nous sommes tout simplement fragilisés pendant les premiers jours de décompression. L’adrénaline n’opère plus et notre corps exulte ».

Même si cette « maladie des loisirs » ne fait pas encourir de danger majeur pour la santé, elle use psychologiquement ceux qui y sont sujets à répétition, comme Nathalie : « Si je fais le cumul du nombre de jours de congés gâchés par mon état patraque, j’en suis écoeurée, mesure la graphiste. Ce sont des moments précieux dans une vie, et si je travaille dur toute l’année, c’est justement pour vivre pleinement ces instants ! »

Fatigue chronique, frustrations… ne pas pouvoir profiter de ses jours de repos peut donc à terme, miner le moral. Or, se ressourcer est nécessaire pour mener de front les longues périodes d’activité et trouver son équilibre entre vie professionnelle et personnelle.

Les solutions pour y remédier

Plusieurs pistes sont à explorer pour essayer d’éviter de (re)tomber malade lors de ses prochaines vacances :

1. Être davantage à l’écoute de son corps

« Si les symptômes se déclarent quand on est au repos, c’est tout simplement parce qu’on prête davantage attention aux signaux que nous envoie notre corps », commente le psychologue néerlandais dans son étude. Au quotidien, la tête dans le guidon, on aura vite fait de se concentrer sur les tâches à accomplir au détriment de son bien-être. Rééquilibrer sa façon de fonctionner peut nous éviter de flancher dès qu’on s’arrête de bosser.

Pour bien faire, il faut s’autoriser des pauses régulières pendant ses semaines travaillées pour se reposer, souffler, s’aérer ou se ressourcer auprès de ses proches. Au bureau, il faut aussi apprendre à se préserver, par exemple en négociant les deadlines des projets si elles sont trop serrés, essayer de mieux répartir sa charge de travail sur plusieurs jours voire plusieurs semaines, mais aussi s’autoriser à dire non aux réunions où sa présence n’est pas indispensable, décliner un afterwork si on manque d’énergie… Bref, tout ce qui peut alléger le rythme du quotidien.

2. Miser sur le sport

Ad Vingerhoets, lui-même sujet à cette « maladie des loisirs » avant d’en faire l’objet de ses recherches, recommande de faire du sport le vendredi soir avant le week-end ou la veille de son départ en vacances. Une solution qui a fonctionné pour lui, comme il l’a confié à nos confrères de Ouest France. D’après son expérience, « en détendant » le corps et l’esprit, faire de l’exercice faciliterait la transition entre la période travaillée et la période de repos et limiterait ainsi le risque d’être souffrant.

3. Prévoir des jours en plus “au cas où”

« Certains de mes patients s’en amusent presque : ils savent d’emblée qu’ils vont passer les trois premiers jours de leurs vacances au fond du lit et préfèrent anticiper », relate Johanna Rozenblum. Poser deux jours supplémentaires (quand c’est possible bien sûr), notamment avant un grand voyage, permet de mieux gérer la phase de décompression. L’occasion de prendre soin de soi si le besoin s’en fait ressentir, sans risquer de troubler le programme des vacances que l’on a planifiées.

4. Interroger son rapport au travail

Quand le schéma se répète, cela peut nécessiter une introspection plus poussée. « Si à chaque fois que l’on part en congés, on tombe malade, il y a peu de chance que ce soit un “hasard”, affirme notre experte. Le corps nous dit quelque chose qu’il faut peut-être enfin entendre. » Rythme de travail inadapté, rapport hiérarchique déséquilibré, ambitions déçues… il y a sûrement une raison plus profonde qui nous fait replonger systématiquement dans le même mécanisme. Un questionnement que l’on peut mener seul ou accompagné d’un thérapeuthe.

D’une manière générale, il ne faut pas attendre que les congés réparent un surmenage quotidien insiste la psychologue : « C’est aussi aberrant que de dire “je ne dors pas pendant un mois et je dormirai quinze jours sans interruption pour récupérer.” » Le corps ne fonctionne pas comme cela : son équilibre se fait en continu et pas à distance de chez soi, mais bien dans le quotidien au travail.


Article édité par Romane Ganneval; Photo par Thomas Decamps

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