Sens, contact humain et belles perspectives : quatre métiers pour demain

01 avr. 2021

8min

Sens, contact humain et belles perspectives : quatre métiers pour demain
auteur.e
Olivia Sorrel Dejerine

Journaliste indépendante

Usés par la crise, le télétravail ou encore les confinements en ville, près de la moitié des Français pensent aujourd’hui à se reconvertir. Oui, mais… que faire ? Dans un marché de l’emploi bouleversé, difficile d’y voir clair. Surtout quand nos exigences nous poussent à désirer un job à la fois riche de sens ET pérenne dans le temps ! (Les bullshit jobs derrière les ordis, non merci plus jamais…) Heureusement, il existe bel et bien des métiers qui cumulent utilité, contact humain, quête de sens, et qui embauchent avec de belles perspectives pour le monde d’après. On vous donne notre short-list.

La boulangerie

Tisser du lien avec ses mains

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Longues queues devant les boulangeries, soudaine envie de faire notre propre miche, pâtisseries trendy qui n’ont pas désempli… Si le contexte sanitaire n’a pas impacté une chose, c’est bien l’amour des Français pour leur pain ! D’ailleurs, 98% d’entre nous en consommons et chaque jour 12 millions de clients poussent la porte d’une boulangerie-pâtisserie, selon les données de la Confédération Nationale de la Boulangerie-Pâtisserie Française (CNBPF). « En France, les boulangeries occupent la 1ère place de l’artisanat alimentaire et figurent parmi les commerces de détail de proximité les plus fréquentés » expliquait déjà en mars 2020 Dominique Anract, président de la CNBPF.

Et surtout, la boulangerie s’est révélée être, dans un moment où nos interactions humaines sont (parfois très) limitées, un véritable réconfort et un acteur de lien social indispensable. « Les boulangeries maintiennent une connexion entre les gens, surtout en ruralité où parfois c’est un des seuls commerces du village », nous détaille Pierre-François Tallet, directeur de la formation de la CNBPF.

Essentiel et réconfortant, le secteur est aussi un vivier d’opportunités : 9 000 postes sont à pourvoir dans les 33 000 boulangeries artisanales de France, selon la CNBPF. Le secteur pèse 11 milliards d’euros et de nouvelles boulangeries ouvrent malgré la crise. Pétrir le pain vous tente ? Deux voies sont possibles : l’apprentissage via des formations délivrées par le CFA et le CAP. Et pour encourager l’embauche, la profession participe au plan 1 Jeune, 1 Solution, lancé par le Gouvernement l’été dernier pour aider les jeunes à s’insérer dans le monde du travail.

Selon Pierre-François Tallet, les atouts des métiers de l’artisanat de bouche, et notamment de la boulangerie, résident dans les valeurs qu’ils représentent : « le respect, la tradition ou encore le travail d’équipe qui est une part fondamentale ». Des valeurs d’autant plus importantes et recherchées aujourd’hui. Et si le succès des boulangeries tient à leurs pains chauds et appétissants, il tient aussi à leurs capacités d’évolution : « les Français ont une forte appétence pour le pain, mais aussi pour la restauration boulangère, les boulangers l’ont compris et diversifient de plus en plus les produits », conclut Pierre-François Tallet. Alors, même si les boulangeries ont elles aussi souffert de la pandémie, leur futur semble assuré.

Le vélo

Participer au transport d’aujourd’hui et de demain

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Après le premier confinement, David, 36 ans, s’est reconverti dans le vélo. En septembre 2020, il commence une formation de deux mois – le CQP technicien cycles – pour pouvoir exercer l’activité de réparation en tant que pro. « Sur une session normalement réservée à 15 élèves, on était une trentaine, il ne s’agissait que de gens en reconversion professionnelle, âgés de 20 à 60 ans, avec des profils très différents » détaille-t-il. Depuis décembre, David travaille dans un atelier à Paris et s’il adore « avoir les mains dans le cambouis », son investissement participe également d’une vraie vision politique et urbaniste. « Je pense que la voiture a pris trop de place, et je veux voir la ville autrement : sans bruits de klaxon et accidents mortels », explique-t-il.

David aime aussi que ce métier soit utile et pédagogique. « Ce n’est pas un métier tourné vers soi, mais vers les autres. J’aime pouvoir apporter une expertise sur un objet qui est un moyen de transport – les gens sont moins apeurés par les problèmes mécaniques quand on leur explique comment fonctionne un vélo », raconte-t-il.

Surtout, David voit un réel avenir dans ce secteur, et les chiffres ne lui donnent pas tort : en 2020, la pratique du vélo a progressé de 27% (hors confinements) par rapport à 2019, les pistes cyclables se sont multipliées, et on remarque une réelle évolution dans l’utilisation du biclou depuis les grèves de transports de 2019 et la crise sanitaire. Selon l’association Vélo & Territoires, il est ainsi apparu comme un véritable « geste barrière », qu’on utilise désormais pour aller au boulot, en vacances ou pour se balader. D’ailleurs, cet engouement se ressent : « aujourd’hui à Paris les ateliers ont en moyenne trois semaines / un mois de délai pour accepter une révision ou pour réparer une crevaison », assure David.

Résultat de cette forte demande : les métiers de la bicyclette recrutent - 500 offres sont actuellement à pourvoir sur le site de Pôle emploi - et les formations de mécaniciens fleurissent. Au point qu’une “Académie des métiers du vélo” a vu le jour l’automne dernier pour gérer les centres de formations certifiés. L’objectif ? Former 1 250 réparateurs de cycles d’ici 2030. Quant à David, il envisage à terme de créer un café-vélo qui serait un véritable lieu de vie dédié au cycliste avec un atelier, des cours, et une cantine healthy, à l’image de ceux qui ont déjà le vent en poupe aux Pays-Bas ou au Royaume-Uni.

Le coaching sportif

Reconnecter les gens avec leur corps

Avec ses confinements et couvre-feux, la crise sanitaire a participé à un étonnant engouement virtuel : celui du sport en ligne – qui n’a pas, au moins une fois, testé un cours de gym dans son salon ? Rendu plus accessible grâce au télétravail ou plus nécessaire à cause de notre sédentarité, faire de l’exercice nous est apparu comme fondamental. Quant à ceux qui ne peuvent plus aller dans leur salle de sport ou piscine de quartier, il a bien fallu compenser. Dans ce contexte, l’intérêt des coachs individuels s’est fait sentir, aussi bien en ligne - comme Jennifer Dimitriou de The Graceful Movement qui a triplé son nombre de followers Insta ou encore Tini, co-fondateur de TrainSweatEat qui cumule 277k abonnés - qu’en présentiel.

Yann, coach sportif professionnel depuis 2016, a vu son activité exploser ces derniers mois. Une des raisons essentielles à cela ? « La notion d’enfermement est devenue très prégnante, les gens ont pris conscience qu’ils avaient un corps et qu’il fallait en prendre soin », détaille Yann. Mais pouvoir exercer en tant que coach en France requiert un diplôme spécifique : « la pratique sportive est très réglementée dans notre pays, il y a différents types de diplômes et de spécialités qui permettent d’exercer en salles par exemple mais pas en tant que coach privé, et le problème c’est que beaucoup s’improvisent coachs », explique le sportif.

Et même s’il est difficile d’avoir des données précises sur les coachs car la statistique publique ne permet pas de les identifier dans les différentes nomenclatures, on observe, selon Philippe Neveu, chargé de mission au Ministère chargé des sports, « une augmentation du nombre de coach liée à une demande de plus en plus forte avec l’évolution des pratiques physiques et sportives ». « Nous pouvons le percevoir à travers une forte progression des travailleurs indépendants (dont micro-entrepreneurs) chez les éducateurs sportifs et dans la hausse du nombre de structures privées marchandes (salles commerciales de forme…) », détaille-t-il.

L’atout du métier selon Yann ? Le contact humain. « Je suis passé de l’avoir humain à l’être humain, comme a dit Zazie », s’amuse-t-il. « C’est génial car tu accompagnes les gens dans leur réussite, dans la concrétisation de leur but. » Le passionné de sport raconte comment un de ses premiers coaching a été un véritable déclic : « J’ai fait perdre 28 kg en 14 mois à une copine, et quand j’ai vu comment ça avait changé sa vie, je me suis dit que c’était ça que je voulais faire, aider les gens à aller où ils veulent. » Bien sûr ce job présente des contraintes : « c’est dur d’être en forme tous les jours, il faut se lever le matin, être attentif aux besoins de chaque client, se rappeler de chaque séance… », détaille Yann. « Si tu veux bien le faire, c’est hyper gratifiant mais ça demande des efforts. »

Et s’il est évident qu’on peut faire du sport seul, le succès et l’avenir du métier s’expliquent par le besoin de se faire orienter. « Les gens ont très bien compris l’intérêt : être encadré pour ne pas se blesser, rendre l’exercice et le sport amusants et pouvoir être fiers, ensemble, des progrès réalisés. »

L’agriculture bio

Nourrir autrement la planète

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Envie de consommer durable, de préserver notre santé, d’avoir des produits de meilleure qualité dans notre assiette… Le bio attire de plus en plus. Et la situation sanitaire n’a fait qu’amplifier cette tendance : on cuisine davantage, on privilégie les produits locaux, du coup on se tourne plus vers le bio ! En 2020, plus de 9 Français sur 10 ont mangé bio et 13% en consomment tous les jours. Et surtout, notre conso ne cesse de grimper : en 2018, elle a progressé de plus +17% (versus 9% en 2017).

L’agriculture bio aussi prospère joyeusement en France : en 5 ans, les surfaces en bio ont doublé et 10% des agriculteurs Français sont en bio aujourd’hui selon les données de l’Agence Bio. Mais surtout, « le secteur de l’agriculture bio est créateur d’emploi (…) et emploie moins de salariés temporaires que l’agriculture conventionnelle, ce qui suggère un emploi moins précaire et plus qualifié », nous détaille Laure Verdeau, directrice de l’Agence bio. C’est d’ailleurs un secteur qui semble attirer de plus en plus, note la spécialiste. « Ces dernières années, l’enseignement agricole a vu ses effectifs se stabiliser voire légèrement augmenter donc les signaux sont plutôt positifs », explique-t-elle. « Mais il y a aussi de plus en plus de profils en reconversion professionnelle qui passent souvent par une formation en Brevet Professionnel de Responsable d’Entreprise Agricole (BPREA) ».

Comment expliquer cette appétence alors que l’on hérite d’années de discours négatifs - lourdes charges de travail, pas de vacances, très faible rémunération… – sur la profession agricole ? « De plus en plus d’agriculteurs et d’agricultrices s’en sortent bien à ce niveau en prenant des congés et en se rémunérant correctement, notamment en bio », raconte Laure Verdeau. Mais le métier possède d’autres atouts. Tout d’abord, son aspect entrepreneurial. « L’entrepreneuriat a le vent en pupe, or être agriculteur en bio, c’est être un entrepreneur », explique Laure Verdeau. « C’est une agriculture qui nécessite de se former techniquement en continu et de se maintenir toujours à la pointe, d’avoir une solide vocation commerciale pour expliquer et valoriser sa production et ses prix parfois plus élevés. Bref, c’est être chef d’entreprise et être polyvalent, à la fois en technique agricole, en gestion, en commercialisation et relation clients. »

L’attractivité du bio tient aussi au fait qu’il ait du sens. « Les nouveaux diplômés arrivent avec l’envie d’avoir un impact vertueux sur la planète, de promouvoir des produits sains et respectueux des sols, de l’eau, du bien-être animal. Ils sont préoccupés par le climat, ils veulent des projets ancrés dans les territoires, qui œuvrent à la souveraineté alimentaire et le bio coche toutes ces cases », note Laure Verdeau. Le secteur attire aussi les reconvertis qui « décident de se reconnecter avec la nature et créer de l’emploi », note-t-elle.

Mais si le métier peut se révéler attrayant, présente-t-il vraiment des perspectives d’avenir ? « Dans 5 ans, la moitié des agriculteurs et agricultrices pourraient partir à la retraite, il va y avoir des places à prendre, des fermes à reprendre, convertir, adapter », projette Laure Verdeau. « Beaucoup d’agriculteurs et d’agricultrices bio veulent transmettre leur ferme, souhaitent qu’elle reste en bio et sont ouverts à des repreneurs et repreneuses non issus du milieu agricole. » Ça vous tente ? Xavier Niel lance une école d’agriculture gratuite en septembre 2021, c’est peut-être l’opportunité de se lancer !

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Photos by Thomas Decamps pour WTTJ ; article édité par Clémence Lesacq