Seuls au bureau ou en télétravail : le spleen des étudiants en stage d’été

20 août 2023

5min

Seuls au bureau ou en télétravail : le spleen des étudiants en stage d’été
auteur.e
Manuel Avenel

Journaliste chez Welcome to the Jungle

contributeur.e

L'été est souvent synonyme de baisse d'activité pour les entreprises, elle coïncide donc avec les départs en vacances des salariés en poste. Une période creuse qui peut affecter de nombreux stagiaires confrontés à l’ennui et à la solitude au bureau…

Si la belle saison offre son lot de réjouissances, elle est parfois la hantise des étudiants qui ont décidé de faire un stage. Parmi leurs craintes, des missions moins intéressantes, un manque d’encadrement, une absence de retours et de collègues. Pas idéal pour l’apprentissage d’un métier, sans compter l’impact que cette expérience mitigée peut avoir sur l’intégration professionnelle.

C’est ce qu’a vécu Kevin, 22 ans, lors d’un stage de journalisme. En juin 2022, le jeune homme est fier d’apprendre qu’il est retenu pour un stage dans une grande rédaction nationale belge, le deuxième de l’année pour lui. « Je sortais d’une expérience très intense à couvrir un festival et j’avais besoin d’enchaîner sur d’autres pour continuer à apprendre », se souvient-il. Mais lorsqu’il accède aux locaux pour la première fois, il se rend compte qu’ils sont presque vides. « On me présente le service culture que je dois intégrer. Il est décimé par les départs en vacances et sur la dizaine de salariés habituels, seuls trois rescapés demeurent (je ne verrai d’ailleurs jamais les autres). » Après cette entrée en matière, sans d’autres directives Kevin est conduit à son poste pour démarrer son stage et se voit confier des missions : trouver des sujets et écrire des articles. Mais en plein mois de juin, les occasions d’écrire manquent et Kevin n’est pas accompagné : « Il y avait bien une conférence de rédaction mais je n’y étais pas convié, ce qui fait que je proposais des idées sur lesquelles les gens travaillaient déjà. C’était assez frustrant. Dès le premier jour, j’ai compris que je n’aurais rien à faire. »

Alors qu’il emprunte encore une fois le train depuis Lille pour se rendre au bureau, un jour il se retrouve complètement seul dans l’open-space. « Ce matin-là, je suis arrivé comme à mon habitude, sauf qu’il n’y avait littéralement personne dans le service. J’ai envoyé des mails, passé des appels pour tenter de les joindre, mais ils n’étaient pas disponibles et je suis resté toute la journée à faire semblant de travailler. »

Mais l’apprenti journaliste n’a pas l’ambition de se tourner les pouces et aimerait au contraire faire bonne impression. « On se met beaucoup de pression en tant que stagiaire à réussir ses missions, car on se dit qu’après, cela pourrait ouvrir des opportunités professionnelles. Mais en fin de compte, tu réalises qu’ils ne te calculent pas plus que ça et que tu n’as rien d’autre à faire que d’attendre que le temps passe. Ce n’était pas agréable, surtout que je recevais des Snap de mes potes qui se levaient tôt et avaient une vie professionnelle stimulante. » Il fait le calcul et au final la rédaction n’avait pas vraiment besoin d’un stagiaire, ou alors deux journées par semaine.

« Quand ils ont compris que je n’avais rien à faire, on m’a alors dit que je pouvais me mettre en télétravail si je le souhaitais. Malheureusement, cela ne faisait que déplacer le problème. Ma journée consistait à écrire un mail le matin, me recoucher, regarder une série et éventuellement rédiger un article. Le tout sans retour de la part de mes collègues sur ce qui allait ou n’allait pas dans mes articles. » S’il pense que l’autonomie permet de faire ses armes et n’aurait pas souhaité être pris par la main de A à Z, Kevin aurait préféré vivre une expérience plus cadrée. Pour autant, il ne regrette pas cette expérience qui s’est finalement bien conclue et fut intéressante pour lui. « Le dernier jour où mon tuteur à pris une heure pour moi et j’ai trouvé ça trop cool. Mais je n’ai pas compris pourquoi il ne l’avait pas fait dès le départ. Il m’a fait un retour global sur tous mes papiers. Il m’a demandé ce que je voulais faire après, m’a donné des conseils… Est-ce qu’il a rempli pleinement son rôle de tuteur pour autant ? Je ne pense pas. » Par la suite, Kevin enchaîne avec un stage en PQR (presse quotidienne régionale) où il n’a pas eu le temps de s’ennuyer. Exactement ce qu’il lui fallait.

Comment gérer une période creuse en stage ?

Il peut être décevant, voire déstabilisant, de débarquer dans un environnement professionnel qui ne connaît pas la dynamique quotidienne habituelle ou de ne pas avoir de consignes claires. « Quand on sort du cadre scolaire, on a des directives claires avec une information souvent descendante. Mais en entreprise c’est un autre contexte, un nouveau monde qu’il faut apprendre les codes. Or ce n’est pas simple lorsqu’on est livré à soi-même, d’autant plus qu’on peut avoir peur de déranger et qu’on ne sait pas toujours vers qui se tourner », explique la coach Mila Elhamdi.

Par ailleurs, le stage est une étape clef de l’intégration professionnelle. On y apprend entre autres, des compétences humaines importantes en entreprise, comme le fait de parler en public, le contact visuel, utiliser un téléphone. « Sans un élément pour superviser l’encadrement du stagiaire ou un tutorat qui est mis en place, ça va être difficile pour le jeune de se mettre dans une posture professionnelle. Or, l’objectif du stage est de faire la transition entre les études et le monde professionnel », poursuit la spécialiste. Alors aborder cette période plus sereinement ? Voici nos conseils.

4 conseils pour ne pas tourner en rond lors de son stage

1. Anticiper autant que possible.

Que l’on ait commencé son stage avant la période estivale ou en plein cœur de l’été, il est nécessaire d’anticiper cette période, explique Mila Elhamdi : « Avant le départ en vacances de son tuteur, le stagiaire doit organiser les semaines où il travaillera en solitaire. Il ne faut pas hésiter à solliciter son tuteur pour lui demander des directives et prendre les devants. » De même qu’un stagiaire qui entame sa période de stage en plein été peut demander dès l’entretien d’embauche ce genre de directives. Pour cela, dès l’intégration, il est important de demander quelles sont les priorités de l’entreprise, où se trouve la documentation importante afin de la consulter et s’approprier les process internes . « Tout cela permet de débuter un travail de prise de repères », poursuit-elle. Il faut communiquer, rester courtois et exprimer ses attentes pour la période de stage.

2. Optimiser le temps libre

On ne vous donne pas assez de grain à moudre ? Qu’à cela ne tienne, vous aurez tout le loisir de gagner du temps sur d’autres activités en préparant votre avenir. « J’incite les stagiaires qui s’ennuient dans leur mission à prendre le temps de mettre à plat tous les acquis de leur stage pour en retirer des bénéfices et grandir, explique la professionnelle de l’emploi. Faire le point sur les unités d’enseignement de sa formation, remettre son CV à jour, actualiser son profil LinkedIn. C’est une façon de préparer la suite, de galber son profil durant cette période d’accalmie, car après le stage peut-être que l’étudiant enchaînera sur une recherche d’emploi. »

3. Faire preuve d’initiative

Un peu déroutant lorsqu’on commence un stage, mais mettre les pieds en entreprises est l’occasion de s’affirmer et de sortir de sa carapace. Si vous n’avez rien à faire, ne restez pas dans une posture passive et prenez le taureau par les cornes. « Vous pouvez demander à changer de service ou à prêter main forte à un autre collègue par exemple », illustre Mila Elhamdi. Le but est de réussir à se rendre utile, pour l’entreprise mais aussi pour soi. Il est possible de travailler sur de la documentation, de proposer de rafraîchir les outils pour programmer la diffusion de contenu par exemple ou encore de réaliser des statistiques… « Bref, si vos missions sont restreintes, analyser ce qui existe déjà et ce qui s’y rattache permet d’éviter la posture passive, car on peut se sentir inutile et être déçu par le stage en lui-même. »

4. Rapprochez -vous de vos collègues présents

Et si le fait que les bureaux soient à moitié vide était une aubaine ? Vous pourriez profiter de la baisse de régime pour observer d’autres situations de travail, missions et responsabilités, afin de mieux comprendre les conditions de travail et les enjeux d’autres postes. « Cela permet d’avoir un regard plus élargi du fonctionnement de l’entreprise et de son organisation. Ce qui est intéressant lorsqu’il y a moins de monde, c’est de pouvoir créer du lien plus en profondeur, avoir des échanges de qualité, car personne n’est sous l’eau et le rythme de croisière rend cela plus simple. »

Il est tout à fait normal d’avoir moins de travail durant une période creuse, alors ne culpabilisez pas. Convertir votre semi-liberté en opportunité, voilà la clef pour qu’un stage à première vue ennuyant, vous stimule davantage que prévu. Réseauter, se faire connaître, développer de nouvelles compétences, mettre à jour son CV… Vous avez les cartes en main !

Article édité par Romane Ganneval ; Photo de Thomas Decamps

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